

DE LA LUMIÈRE AU PIXEL : COMMENT L’INGÉNIERIE FAÇONNE LE CINÉMA MODERNE
DE LA LUMIÈRE AU PIXEL : COMMENT L’INGÉNIERIE FAÇONNE LE CINÉMA MODERNE
L’évolution du cinéma, de la captation à la diffusion, repose sur des avancées technologiques majeures qui transforment notre manière de créer et de consommer l’image. Franck AMIACH (95) et enseignant en sciences du signal avant de s’établir à Los Angeles, explore l’impact des innovations qui repoussent les frontières de la narration visuelle et redéfinissent l’expérience spectateur.
INTRODUCTION
Depuis l’invention du cinématographe par les frères Lumière, l’image a voyagé de la «ville lumière» à Hollywood et aux confins du monde. Le cinéma a évolué significativement, passant du 16 mm à l’ère digitale, et la convergence des médias, suivie de l’essor des plateformes en ligne, a redéfini notre manière de regarder les films. C’est en particulier l’utilisation des données numériques qui a permis de révolutionner la création cinématographique. Au cœur de cette mutation, les sciences de l’ingénieur jouent un rôle essentiel depuis les systèmes de captation jusqu’à la diffusion, en passant par le traitement du signal vidéo.
DE LA LUMIÈRE CAPTÉE AU SIGNAL NUMÉRIQUE : LA SCIENCE AU SERVICE DE L’IMAGE
1. Le parcours de la lumière à travers le système optique
La capture d’une image débute lorsque la lumière, réfléchie par les éléments de la scène à filmer, traverse un système optique sophistiqué composé de lentilles et miroirs… Les optiques et objectifs de caméras – qu’ils soient fixes, interchangeables ou dotés de zooms – sont conçus pour fournir l’image particulière souhaitée par le réalisateur : la miniaturisation de ces outils lui permet aussi de filmer dans des conditions extrêmes à l’aide de drones par exemple… Chaque objectif, issu du travail minutieux des ingénieurs, ajuste la netteté, la profondeur de champ et l’exposition notamment (grâce à la gestion du diaphragme) qui permet de créer le “look” désiré. Les systèmes optiques, qui visent à contrôler la lumière ou à corriger des aberrations, posent les bases d’un rendu visuel devenu immersif.
2. La captation et la conversion du signal lumineux
La lumière est ensuite recueillie sur des capteurs (CCD, C-MOS, Capteurs empilés), véritable quadrillage de micro-capteurs qui vont chacun recevoir la lumière correspondant à une zone précise de l’image. Ils transforment l’énergie lumineuse en un signal électrique analogique : c’est cette technologie qui a notamment conduit à l’avènement de la télévision. Ce signal analogique est ensuite converti en signal numérique par un processus d’échantillonnage, utilisant différents formats de précision variable en luminance et chrominance (4:4:4, 4:2:2, 4:2:0). Cette transformation de la lumière en information numérique offrira aux cinéastes la liberté de créer et transformer les images. Alors que les réalisateurs émettaient des doutes quant à l’utilisation du numérique par rapport à la pellicule, le digital est aujourd’hui devenu la norme.
COMPRESSION ET STOCKAGE : L’INGÉNIERIE DERRIÈRE NOS VIDÉOS
1. Compression et optimisation des données
Une fois numérisé, le signal va être compressé pour faciliter son stockage et sa diffusion. Une vidéo contenant entre 24 et 30 images par seconde, il y a une évidente redondance d’information spatiale (entre pixels proches) et temporelle (d’une image à l’autre).

Des processus tels que la transformée Cosinus Discrète (DCT), la quantification et les codecs inter ou intra images (JPEG et MPEG) permettent de réduire significativement la taille des fichiers vidéo sans trop compromettre la qualité visuelle. Ces algorithmes sophistiqués assurent l’adaptation des images aux formats variés utilisés en diffusion, que ce soit en HD, Full HD, 4K/UHD ou en DCP pour le cinéma. La compression joue donc un rôle fondamental pour la transmission des données, et leur lecture sur différents supports de diffusion.
2. Le stockage des films : de la pellicule au SSD
Le signal compressé devra être ensuite stocké. Et l’évolution des supports de stockage a elle aussi révolutionné la conservation des œuvres cinématographiques. Autrefois confinés aux pellicules, cassettes vidéos, puis DVDs, les films sont désormais enregistrés sur différents systèmes de stockage de masse (disques durs HDD, JBOD, DAS), SSD et solutions de cloud computing. Des systèmes de stockages parallèles permettent d’assurer la conservation des précieuses images. Les ingénieurs conçoivent ces infrastructures pour gérer d’énormes volumes de données, tout en assurant rapidité et sécurité dans l’archivage. Cette transition permet non seulement une conservation pérenne des œuvres, mais aussi la diffusion instantanée sur les différents réseaux.
POST-PRODUCTION ET EFFETS SPÉCIAUX : LA FABRIQUE DU RÊVE NUMÉRIQUE
1. Montage et correction des images
Le montage constitue la première étape de la post-production, où, mises bout à bout, les séquences vidéo brutes (rushes) sont transformées par le monteur en récit visuel. Loin des découpages de pellicules, les logiciels tels que Avid Studio, Premiere Pro, DaVinci Resolve ou Final Cut Pro ont offert au fil du temps aux réalisateurs les outils nécessaires pour couper, ajuster et harmoniser les images. L’étalonnage et la colorimétrie permettent également d’affiner les tons et de créer une atmosphère spécifique, tandis que la fusion du son mixé et de l’image finit de plonger le spectateur dans l’univers du film.
2. Effets spéciaux et production virtuelle
Les effets spéciaux sont les magiciens du cinéma moderne. L’utilisation d’écrans verts et d’écrans LED lors du tournage permet de superposer des décors numériques aux éléments réels de la prise de vue, ouvrant ainsi la voie à la production virtuelle. L’industrie cinématographique utilise de nombreux logiciels : du casting à la distribution en passant par la post production et en particulier pour les effets spéciaux. After Effects, Houdini, Maya, Blender, Fusion ou Nuke offrent des possibilités presque illimitées pour créer des effets visuels saisissants. Par ailleurs, l’intégration de l’intelligence artificielle et des techniques de deepfake révolutionne déjà la post production en générant voix, visages numériques et animations ultra-réalistes. Ces innovations, à l’instar des outils 3D, transforment le processus créatif en une véritable manufacture de rêves numériques, offrant aux cinéastes une liberté inédite pour raconter leurs histoires.
DIFFUSION DE CONTENU : UNE NOUVELLE EXPÉRIENCE POUR LE SPECTATEUR
1. L’évolution des supports de projection et d’affichage
Les avancées technologiques, de l’argentique au numérique, ont également transformé la diffusion du cinéma. Suite aux projecteurs de film 16mm, 35mm, puis aux projecteurs de films numériques, les salles adoptent maintenant des écrans LED pour offrir une qualité d’image supérieure. Cette transition vers des technologies d’affichage numérique enrichit l’expérience visuelle, plongeant le spectateur dans un monde encore plus vibrant.
2. Une consommation de plus en plus fragmentée
Au-delà des salles obscures, la diffusion de films s’étend désormais sur de multiples supports, allant de la télévision aux plateformes de streaming en passant par les tablettes, téléphones portables et lunettes VR immersives. Beaucoup se demandent d’ailleurs ce qui pourra assurer la survie des salles de cinéma. Les algorithmes de recommandation personnalisent même l’expérience des spectateurs sur les plateformes de diffusion. Cette fragmentation transforme donc la manière dont le 7e art est consommé, ouvrant la voie à une nouvelle ère d’interaction et de personnalisation.
CONCLUSION
La fusion entre ingénierie et art est au cœur du cinéma moderne. Grâce aux incessantes innovations technologiques, l’ingénieur a progressivement transformé la captation, le traitement, la diffusion et la consommation des images animées. Des systèmes optiques à l’AI, chaque avancée offre ainsi de nouvelles perspectives pour le 7e art. L’avenir du cinéma et de la vidéo s’annonce donc passionnant, où technologie et créativité se conjuguent pour offrir des expériences toujours plus interactives et envoûtantes.
Franck AMIACH (95)
A enseigné à Paris les mathématiques ainsi que les sciences physiques et plus particulièrement le traitement du signal en BTS Audiovisuel pendant de nombreuses années. Passionné par le cinéma et la communication, il est basé à Los Angeles depuis 2012. Il travaille régulièrement en tant qu’acteur et producteur; il est également consultant en communication interpersonnelle et business development.

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