

Franck Amiach (95) : un Centralien qui a choisi de mettre en lumière le talent des autres
Qu’est-ce qu’un bon communiquant ? Comment devenir un leader qui inspire, écoute et fédère ? Faut-il jouer un rôle ou rester fidèle à soi-même ? Autant de questions que Franck Amiach (95) explore au croisement de la scène et de l’entreprise. Ingénieur devenu acteur, producteur et consultant en communication interpersonnelle à Los Angeles, il aide dirigeants, entrepreneurs et universitaires à mieux se connaître pour renforcer leur communication et leur leadership. Rencontre avec un Centralien qui a choisi de mettre en lumière le talent des autres.
Technica : Bonjour Franck. Pouvez-vous nous présenter en quelques lignes vos activités actuelles ?
Bonjour à tous. Je suis acteur, producteur et consultant en communication, basé à Los Angeles depuis 2012. En tant qu’acteur j’ai joué dans plus de 40 films et 20 pièces de théâtre en Europe et aux USA. J’ai produit des pièces de théâtre, des court-métrages et financé des long métrages. J’utilise mon parcours d’acteur et mes interventions en entreprises pour offrir des formations et accompagnements en communication: Prise de parole en public/media training, conduite d’entretiens/négociation , conduite de réunion/team building. J’accompagne également les start-up françaises dans leur développement aux USA.
Technica : Votre parcours est atypique, mêlant consulting, production artistique et jeu d’acteur. Qu’est-ce qui vous a conduit à explorer ces différents univers ?
J’ai toujours été passionné par le métier d’acteur. J’ai étudié au Conservatoire de Nice dès l’âge de 10 ans. Comme j’aimais aussi beaucoup les sciences, j’ai eu la chance d’intégrer l’ECL. Quand je suis monté à Paris pour débuter ma carrière d’acteur, j’ai donné des cours de maths pendant de nombreuses années. Ne pouvant simplement attendre que l’on me propose des rôles, j’ai fait un DEA en production audiovisuelle et commencé à écrire, mettre en scène et produire également des films. J’ai travaillé dans le commercial et la communication en parallèle et, à l’époque de “la folie des start-ups”, j’ai aidé plusieurs camarades à mettre en place un business plan pour lancer leur activité. Après l’obtention du mastère “Innover et Entreprendre” de l’ESCP, j’ai souhaité rapprocher mes activités en entreprise et mon métier d’acteur : j’ai alors créé ma société, Mediancia et démarré ma carrière de consultant en Communication et Business coaching.
Technica : Y voyez-vous un fil conducteur qui relierait ces différentes expériences ?
L’envie de jouer et de transmettre. Jouer donne l’occasion d’explorer des situations avec tout son être et de transmettre, notamment avec la comédie qui permet d’offrir de la bonne humeur au plus grand nombre et de véhiculer des messages parfois difficiles à faire passer. J’ai aussi commencé à produire pour aborder des thèmes qui me tenaient à cœur. En utilisant le théâtre dans mes formations, j’ai découvert un autre plaisir de transmettre, d’aider, voire de réveiller les gens pour leur donner envie d’interagir davantage. Au théâtre ou au cinéma, on transmet des histoires et des émotions, et dans un cours ou un accompagnement, on transmet un savoir mais aussi une façon d’être qui peut faire progresser ceux que l’on accompagne. Voir certaines personnes prendre confiance, communiquer avec plus d’aisance et même se transformer est particulièrement gratifiant.
Technica : Comment utilisez-vous votre expérience du théâtre et du cinéma dans vos formations en entreprise ?
Alors que j’aime beaucoup parler, m’exprimer en étant sur scène ou devant la caméra, j’ai immédiatement adopté une attitude de coach dans mes formations et accompagnements, même à l’époque où je donnais des cours de maths ! Donnant peu d’informations descendantes, je privilégie le brainstorming et le travail de la personne que je coache tout en restant en support. Je pense que nous jouons tous des personnages lorsque nous sommes tour à tour enfant, ami, amoureux, travailleur, manager, père, mère… Cela peut être conscient ou inconscient, mais nous nous mettons dans une posture plus ou moins différente. Dans toutes ces situations, nous communiquons et je pense que le théâtre qui met en scène des personnages dans différentes situations est un outil fantastique pour aborder la communication. Nous travaillons essentiellement sur l’écoute, la créativité et l’organisation pour mieux communiquer. J’utilise donc une batterie d’exercices, de mises en situation avec des objectif différents pour faire avancer la personne ou le groupe que j’accompagne en fonction des besoins.
Technica : Selon vous, le leadership repose- t-il en partie sur une forme de mise en scène de soi ? Et comment cela se travaille-t-il ?
Il y a des leaders qui ont du charisme et d’autres beaucoup moins. Ceux qui en imposent peuvent être une force qui attire et permet de faire avancer les équipes, mais ils peuvent aussi être un frein. Je pense que certaines personnes ont besoin de se mettre en scène, dans la position de leader ; cela peut en effet les aider. Mais l’honnêteté vis-à-vis de soi-même et des autres est bien plus puissante. Je pense que le travail sur le leadership doit idéalement être fait dans le temps. A l’aide d’un coach par exemple, celui ou celle qui veut travailler sur son leadership peut prendre conscience de ses forces et faiblesses, essayer des comportements, voir ceux qui marchent pour eux avec leur équipe et avancer pas à pas vers un style de leadership qui convient.
Technica : Quelles techniques du jeu d’acteur peuvent être utiles pour améliorer la prise de parole en public et la communication d’un manager ?
J’aime beaucoup le théâtre car il existe depuis plus de 2000 ans et qu’on y parle d’hommes, de femmes, de situations et de leurs interactions… La puissance du jeu d’acteur pour moi vient de sa proximité évidente avec la vie. Lors de mes accompagnements je n’essaie jamais d’appliquer telle ou telle méthode, à moins que je ne m’en rende même plus compte... J’essaie d’être attentif à la personne ou au groupe qui est confronté à une situation (prise de parole, négociation, travail en équipe, entrepreneuriat…). Les jeux de rôles que je propose permettent de vivre des situations réelles mais dans un cadre sécurisé, ce qui est idéal pour progresser pas à pas. Mon séminaire de travail en équipe par le théâtre est très puissant car les participants oublient rapidement qu’ils sont dans un cadre professionnel : ils s’amusent et deviennent plus créatifs que lors d’une simple réunion. Cette formation permet de développer sa personnalité, sa relation à l’autre ; de créer un objet, “la pièce de théâtre” et de comprendre les nombreux aspects de cette expérience souvent très nouvelle.
Technica : Vous intervenez aussi bien dans des grandes entreprises que des start-ups et des universités. Voyez-vous des différences dans la manière dont ces publics abordent la communication et le leadership ?
La communication et le leadership sont davantage abordés en Ecole de commerce qu’en Ecole d’ingénieur. Mais là encore, je pense que c’est la pratique et un regard sur celle-ci qui va aider à progresser. J’aime beaucoup l’univers des start-up car justement les CEOs ou autres participants à l’aventure sont davantage livrés à eux-même. Ils sont amenés à prendre des décisions sans l’approbation d’un comité exécutif et devront ainsi apprendre plus vite de leurs erreurs. Je pense que la communication est souvent omniprésente quelle que soit la taille de l’entreprise mais que son importance se fait clairement ressentir dans un univers entrepreneurial ou le CEO doit convaincre ses collaborateurs, les clients, les investisseurs…
Technica : Dans vos formations, quelles sont les erreurs les plus courantes que vous observez en matière de communication ?
En communication, les paramètres à maîtriser sont très simples mais nombreux. Les principaux soucis viennent du manque de préparation qui génère du stress et du manque d’écoute, de vérité sur le moment. Le principal problème est de se rendre compte de ses lacunes: de nombreuses personnes n’en ont pas vraiment conscience ou ne voient même pas l’intérêt d’apprendre à communiquer différemment. Chacun d’entre nous a des forces et des faiblesses; certains sont naturellement bons communicants alors que d’autres ont peur ou n’aiment pas s’exprimer dans telle ou telle situation. Je pense que cela est très personnel d’où mon approche basée essentiellement sur les besoins de la personne que j’accompagne.
Technica : Comment décririez-vous les grandes différences dans la façon de communiquer, faire passer ses idées, manager aux US comparé à la France ?
Les cultures ont beaucoup évolué ces dernières décennies et il y a des comportements très différents en fonction des personnes et des entreprises, mais je pense schématiquement que les Américains sont souvent plus positifs, avec un esprit beaucoup plus entrepreneurial. Ils ont souvent pris très tôt l’habitude de s’exprimer, de défendre leurs idées, de voir comment se sortir d’une situation. L’échec est pour beaucoup un passage obligé pour apprendre et n’a pas la connotation négative qu’elle peut avoir en France.
Technica : Les outils, les codes et les valeurs sociétales qui entourent la communication ont énormément évolué ces dernières années. Les attentes des dirigeants et managers ont-elles changé en matière de coaching et d’accompagnement professionnel ?
Le coaching s’est largement démocratisé, mais ses bénéfices ne sont pas toujours perçus de manière évidente par tous les managers. Aujourd’hui, l’offre est vaste, avec de nombreuses approches et théories. La vraie difficulté, selon moi, réside moins dans le choix de la méthode que dans la capacité à identifier un besoin d’accompagnement… et à trouver le bon coach, celui qui saura vraiment nous faire progresser.
Technica : Comment votre façon d’accompagner vos « clients » dans leur communication a-t-elle évolué ces dernières années?
Mes accompagnements étant basés sur la personne accompagnée plus que sur une liste de recettes, mon évolution s’adapte à l’évolution de l’environnement. J’offre par exemple beaucoup plus d’accompagnements à distance à la place du présentiel. Je note des problèmes différents dans les jeunes générations qui passent leur temps derrière leur téléphone au lieu de se parler vraiment. Lorsque j’accompagne des Américains, je fais parfois le travail inverse à celui que je fais avec les Français: ils ont souvent une belle assurance mais manquent de sensibilité et d’écoute.
Technica : La digitalisation et le télétravail ont transformé le management et la communication. Quel impact cela a-t-il eu sur les méthodes de coaching ?
Le coaching doit nécessairement prendre en compte les nouvelles façons de travailler. Je préfère toujours accompagner en présentiel, mais la visio permet d’accompagner à distance et cela peut être très pertinent. L’accès aux e-mails, réseaux sociaux, vidéo conférences conduit souvent les personnes à ne plus savoir comment se comporter en présentiel. Il est donc pertinent d’entraîner à la communication en ligne et parfois réapprendre à communiquer en face à face.
Technica : Comment imaginez-vous l’évolution du coaching dans les années à venir ? Quelles nouvelles compétences deviendront essentielles ?
S’il y a déjà des applications IA qui se positionnent sur le coaching, je suis convaincu que l’accompagnement en communication doit être fait avec un être humain. L’IA sera d’ailleurs un révélateur de notre nature humaine: pensons-nous que tout se passe dans notre téléphone portable et notre ordinateur ou y-a-t-il des choses bien plus intéressantes qui nous entourent? Je suis heureux d’être ingénieur, car je sais que l’apparente intelligence artificielle paraît bluffante parce qu’elle a accès a un large éventail de connaissances et une rapide puissance de calcul. Mais je suis persuadé que l’être humain est bien plus qu’un cerveau derrière un écran. Le temps que l’IA fait gagner en apparence, nous prive de l’effort nécessaire pour apprendre et créer quelque chose par nous même. Je pense que chacun d’entre-nous pourra décider de s’enfermer dans le monde informatique ou de comprendre que ce n’est qu’une infime partie de notre univers. La communication entre êtres humains semble être plus que jamais une compétence essentielle.
Questionnaire express
- 3 adjectifs pour qualifier l’élève que vous étiez à Centrale Lyon ?
Créatif, Dynamique, Entreprenant.
- Un.e camarade de promo avec qui vous traîniez tout le temps ?
Laurent Pecqueux, Alexandre Moskwa, Julien Bourdinière, Grégoire Argenton notamment avec lesquels j’ai gardé d’excellentes relations.
- Votre matière préférée à Centrale Lyon ?
Le japonais surtout car la formation était très complète et m’a conduite à faire 2 stages inoubliables à Tokyo.
- Celle que vous appréciez le moins ?
Résistance des matériaux
- Ce que vous vouliez faire comme « métier » pendant votre formation à l’ECL ?
Ingénieur en informatique mais déjà avec une orientation vers le management et une grande passion pour le métier d’acteur
- Que penserait l’élève que vous étiez s’il découvrait votre parcours pro jusqu’à aujourd’hui ?
Il serait certainement surpris par tout ce que j’ai fait: enseigner les maths et la physique, travailler en business développement et communication, créer ma société de conseil, accompagner des entrepreneurs… il aurait certainement préféré que je me sois focalisé sur le métier d’acteur mais serait heureux que je me suis aussi essayé à l’écriture, à la production… de Nice à Paris et surtout maintenant à Hollywood!
- Un conseil que vous donneriez aux élèves actuellement à Centrale Lyon ?
Profiter de Centrale Lyon car c’est une école formidable qui permet de travailler à un très haut niveau tout en s’amusant beaucoup. Ne pas hésiter à se frotter à différentes disciplines et essayer de déterminer ce qu’ils souhaiteraient faire d’ici 10, 20, 30, 40 ans puis mettre en place les briques pour tenter d’atteindre ces objectifs. Ne pas avoir peut de l’échec et essayer! Que pourrait-il leur arriver?
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