Blockchain : Réglementer les ICO (Initial Coin Offerings)
Les ICO (Initial Coin Offerings) subissent un déficit de confiance. Alors que l’objectif de la blockchain est de supprimer les tiers de confiance, il semble opportun de réintroduire des tiers dont le rôle ne serait pas de certifier les transactions, mais les acteurs. La loi devrait faciliter cette évolution souhaitable. Le point avec Léo Lemordant (ECL 08), président et fondateur de WeToken.co.
4,2 milliards de dollars américains. C’est le plus grand montant levé à ce jour par voie d’« Initial Coin Offering » (ICO). Ce nouveau mode de levée de fonds, qui s’apparente à une offre au public de titres sous forme de crypto-actifs, a fait son apparition il y a cinq ans. Ce n’est qu’en 2017 que le nombre d’ICO et les montants collectés par opération ont crû très significativement. Des milliards d’euros ont été injectés dans ce secteur au cours d’une frénésie largement irrationnelle.
Sans surprise, les dérives et arnaques en tous genres n’ont pas tardé à faire les gros titres. Même l’opération d’EOS à 4,2 milliards n’est pas exempte de tous reproches relativement aux standards de la réglementation financière et de la protection de l’investisseur. C’est également sans surprise que les montants investis ont connu un net recul à la mi-2018, entraînant un krach qui se prolonge depuis cette date. Le secteur a pâti de la conjonction de trois facteurs : une crise de confiance envers la qualité des projets, une prise de bénéfices des investisseurs et des prises de position fermes des régulateurs.
Retrouver la confiance
La crise de confiance ne s’est pas seulement traduite par une baisse des montants investis. Elle a aussi eu pour conséquence une augmentation drastique des frais engagés pour réaliser une levée de fonds, passant de quelques centaines de milliers d’euros à quelques millions d’euros pour lever une somme parfois équivalente. Il est en effet devenu crucial pour les projets de se démarquer de la masse de projets « concurrents » et d’inspirer confiance.
Le marketing est donc devenu une clef particulièrement importante de la réussite d’une ICO. Les dépenses de communication ont ainsi été décuplées. Signe des temps, le numéro un de la communication en France fournit aujourd’hui ce type de prestations.
Le traitement des aspects juridiques est également devenu une source importante de dépenses, et tous les grands cabinets d’avocats sont positionnés sur ce thème avec des équipes dédiées. Les États ont en effet commencé à ébaucher des doctrines, parfois incohérentes entre elles. Un même crypto-actif pourra être qualifié aux États-Unis de titre financier, auquel s’appliquera donc toute la réglementation classique de l’offre au public de titres, là où la Suisse ne fixera aucune règle.
La loi Pacte, votée à l’Assemblée nationale en octobre dernier (Articles 26 et 26bis du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises), définit des régimes optionnels. Les crypto-actifs utilitaires (ceux représentant la prévente d’un service) pourront être proposés au public à travers une réglementation qui ne s’appliquera qu’aux volontaires. L’espoir est de ne pas décourager le secteur, y compris vis-à-vis des régimes juridiques étrangers, tout en favorisant les pratiques vertueuses.
Compte tenu de l’évolution de ce contexte, il est possible que soit réintroduite la notion de tiers de confiance, non pas pour certifier les transactions mais plutôt… les utilisateurs de cette technologie. Il serait paradoxal que le secteur de la blockchain ne puisse se passer de tiers de confiance, alors qu’il a l’ambition de précisément éliminer tout type de tiers de confiance !
Cet article fait partie du dossier : "la révolution Blockchain" accessibles aux adhérents de l'ACL.
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