Transition écologique : Laure Aracil (ECL 2014) Chargée d'études tri et traitement biologique au sein de Veolia
Le 26 novembre dernier s’est tenu le webinaire sur la question de l'engagement des ingénieurs dans la transition écologique. Un événement qu’a animé Laure Aracil (ECL 2014), ancienne présidente de l'association Planet&Co, diplômée d’un master d’ingénierie de l’environnement à l’Université Technique du Danemark, et aujourd’hui Chargée d'études tri et traitement biologique au sein de Veolia. Elle nous parle de son métier, des enjeux liés au recyclage et de la nécessité d’insister sur la réduction des déchets et leur réemploi comme solution sur le long terme.
Bonjour Laure. Parlez-nous de votre rôle de Chargée d'études tri et traitement biologique au sein de Veolia ? Quelles sont vos principales missions ?
Veolia exploite des centres de tri de déchets industriels et des centres de tri de déchets issus de la collecte sélective (poubelles jaunes). Ces sites doivent parfois être modernisés ou revampés pour s’adapter au marché, aux exigences réglementaires ou encore au schéma de tri mis en œuvre par CITEO, l’éco-organisme qui orchestre le tri des déchets issus de la collecte sélective pour le compte de l’État. Ma mission principale est d’accompagner les équipes d’exploitation pour la mise en œuvre de tels projets, de la phase études à la réalisation. Par ailleurs, une mission annexe est de les accompagner dans l'utilisation des outils digitaux mis à leur disposition par le groupe Veolia pour suivre leur exploitation.
Comment les questions de transition écologique influencent-elles aujourd’hui concrètement votre travail ?
Je me renseigne sur des solutions plus écologiques pour réaliser nos missions. Par exemple, sur le dernier appel d’offres auquel j’ai répondu, j’étais en charge du lot génie civil. J’avais donc lu le Brief Béton du Hub des prescripteurs bas carbone, entre autres, et découvert qu’il existait un béton bas carbone émettant 20% de teqCO2 par rapport au béton classique, le béton représentant 30% de l’empreinte carbone du bâtiment. J’ai proposé cette solution pour la construction des locaux sociaux du centre de tri. Mais elle coûtait 10% plus cher que le béton classique, et a donc rapidement été écartée en interne. Et c’est compréhensible, car cela ne nous donnait pas un avantage concurrentiel, mais un désavantage. Ma conclusion est que les initiatives techniques seules ne suffiront pas à avancer dans la bonne direction sans travail politique et accompagnement financier.
Mais je reste convaincue que ce type d’initiative a l’intérêt de sensibiliser les décideurs internes et d’amorcer une dynamique, et qu’il ne faut donc pas se décourager au premier revers !
Les centres de tri ont-ils des problématiques spécifiques ou sont-ils des sites industriels comme les autres ?
Une problématique propre aux centres de tri est que nous ne contrôlons pas un élément essentiel : le flux de matériaux à trier. Nous recevons ainsi un certain nombre d’objets inattendus : boules de pétanque, cassettes vidéo, vêtements, seringues…. Ils risquent d’endommager le process de tri, et parfois même de blesser les opérateurs de contrôle qualité.
J’en profite pour passer un petit message : les centres de tri fonctionnent tous de la même façon. Un tri mécanique est réalisé, puis un tri optique automatisé, et enfin - on ne le sait pas toujours- un sur-tri manuel sur certains gisements comme le papier et le plastique. Alors pensez à ceux qui réalisent ce sur-tri et ne jetez rien qui puisse les blesser (seringue, verre) dans la poubelle jaune !
À part cela, un centre de tri est un site industriel classique.
Le secteur du tri et du recyclage ont-il connu d'importantes évolutions techniques ces dernières années ?
La dernière révolution technique du monde du tri date des années 2005-2010 avec l’intégration d’équipements de tri optique aux process de tri. Ces équipements basés sur la spectroscopie NIR/VIS permettent de trier mécaniquement les objets grâce à leur matière et leur couleur et plus uniquement leur forme. Le tout à un débit bien plus élevé que ce que pourrait faire un humain. Ils ont permis d’augmenter considérablement les débits de tri, et l’automatisation du tri.
Une évolution plus récente mais moins révolutionnaire et qui fait moins l'unanimité est l’intégration de bras robotisés en lieu et place des opérateurs de sur-tri sur certains flux.
Robot MAX AI, développé par l'entreprise BHS
À l'inverse, quels sont les points de blocage qui empêchent selon vous aujourd'hui que les choses avancent plus vite ? Sont-ils d'ordre financier, technique, politique, organisationnel? (voire les 4)
Un premier point de blocage est politique, c'est l’incompréhension des consignes de tri par les citoyens. Et la bonne nouvelle est qu’il y a du progrès ! En effet, des consignes simples et homogènes sont en train d’être déployées par CITEO sur tout le territoire français : « tous les plastiques vont dans la poubelle jaune (qu’ils soient films, pots, barquettes ou bouteilles) ». D’autre part, presque tous les centres de tri disposent aujourd’hui de circuits de visite pour visite des scolaires et des citoyens qui souhaitent mieux comprendre comment ça marche.
Mais le point de blocage majeur est financier : il n’y a pas toujours d’incitation financière à trier, que ce soit pour les particuliers ou les industriels.
Vous vous souvenez peut-être du scandale de 2019 lorsque une pétition a mis en lumière que Mac Donald ne triait pas ses déchets, 3 ans après que le décret 5 flux l’ait imposé ? Vous connaissez peut-être également des personnes qui ne trient pas à la maison ? C’est qu’il manque une carotte.
Là encore, les choses avancent, lentement mais sûrement : l’État augmente année après année la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes), ce qui rend l’incinération ou l’enfouissement de plus en plus chers, et les centres de tri de plus en plus compétitifs.
Côté incitation des particuliers, de plus en plus de collectivités ont recours à la tarification incitative (mise en place d’une part variable sur la taxe ordures ménagères calculée en fonction de la quantité de déchets non recyclables produits) pour inciter les citoyens à produire moins de déchets et à mieux trier.
Quels sont selon vous les grands axes d'amélioration dans le domaine du tri et du recyclage ?
Pour ce qui est du recyclage, je suis pour légiférer de façon à imposer un éventail de matériaux et de formats réduit, afin de faciliter le recyclage. Aviez-vous déjà remarqué qu’il y a 3 formats d’emballages possibles pour le lait par exemple (bouteille en PET opaque, en PEHD, ou Brique) ? Est-ce bien nécessaire ? Cela complexifie la valorisation des matériaux, et les consignes de tri. Voilà une vidéo humoristique très parlante à ce sujet :
De manière plus globale, l’amélioration du recyclage n’est pas l’unique levier pour diminuer notre empreinte matière, loin de là. La réduction des déchets et le réemploi sont d'ailleurs 2 leviers à lui préférer pour cela, comme entériné par la directive cadre déchets européenne de 2008. De très nombreuses initiatives vont dans ce sens et je m’en réjouis, favorisant moi-même le vrac, la consigne et le réemploi chaque fois que c’est possible dans ma vie personnelle.
Votre engagement passe également par une participation à la Fresque du Climat. Comment avez-vous été amenée à devenir animatrice au sein de cette association ?
N’ayant pas d’enfant, le confinement a pour moi été assez calme ! J’ai profité du temps à ma disposition pour m’atteler à mieux comprendre les enjeux scientifiques autour du changement climatique. J’ai d’abord suivi le MOOC « Causes et enjeux du changement climatique » de l’Université Virtuelle de l’Environnement et du Développement Durable. C’était passionnant et très détaillé, mais il fallait une certaine motivation (12h de cours de Master sur 6 semaines…).
Puis j’ai décidé de participer à une Fresque du climat. ça a été une très bonne surprise, puisque j’ai retrouvé les principaux éléments du MOOC que j’avais trouvé si instructif, sur un format de quelques heures à peine !
Comme j'ai été convaincue sur le fond et sur la forme, j’ai participé à une seconde session pour devenir animatrice et contribuer à sensibiliser à mon tour. J’ai animé ma première Fresque en famille aux vacances de Noël l’an dernier (débat garanti), et je compte bien en animer d’autres au travail. D’autant que comme d’autres entreprises avant elle, Veolia a entrepris de former une partie de ses salariés à la Fresque du Climat.
Merci !
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