Alexandre Bollati (17) : Un Centralien au service de la conduite du changement à l’échelle globale chez Alstom
Alexandre Bollati travaille chez Alstom au sein du PMO (Project Management Office) dans un département chargé du déploiement d’un nouvel outil de gestion de projet à l’échelle du groupe. Un rôle de formateur international qui l’amène à aller à la rencontre des équipes aux quatre coins de la planète pour les accompagner dans leur formation. Il supervise également un réseau de Key-Users sur une région qui couvre l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie centrale. Une carrière en mouvement donc qui convient parfaitement à ce Centralien de Lyon qui fut un des premiers élèves à effectuer une partie de sa formation d’ingénieur à l’École Centrale de Casablanca.
Technica : Bonjour Alexandre. Pour comprendre ton parcours, il faut remonter à tes études à Centrale et à cette idée qui semblait t’animer de multiplier les expériences quitte à parfois faire bouger les lignes. Peux-tu nous raconter notamment ton passage à l’ESSEC mais aussi à Centrale de Casablanca ?
Bonjour à tous. En deuxième année, j’ai effectué un semestre de mobilité sur le campus de l’ESSEC à Rabat, au Maroc, ainsi qu’à l’École Centrale de Casablanca. Il s’agissait d’un parcours business, entrepreneuriat et ingénierie centré sur les enjeux africains. Tout a commencé en première année, quand j’ai rencontré la communauté africaine de l’ECL avec qui je me suis très bien entendu, ce qui m’a donné envie de mieux connaître l’Afrique. Un jour, Philippe Dufourcq, directeur des opérations de Centrale Casa, est venu présenter son Ecole lors d’une conférence que j’ai beaucoup appréciée. Convaincu, j’ai fini par lui dire : « Monsieur, on se revoit dans 6 mois à Casablanca ! » Seulement, il y avait un hic : la mobilité n’était pas encore ouverte par l’ECL, et j’étais le seul à vouloir la faire… Mais j’ai tellement insisté que le parcours a été ouvert pour moi ! J’étais ainsi l’un des premiers élèves extérieurs à venir à Centrale Casablanca, Ecole encore très jeune (fondée en 2015).
Le parcours commençait par deux mois de cours et de projets d’études en équipe, à cheval sur les campus de Centrale et de l’ESSEC, avec des étudiants des deux Ecoles. J’ai, par exemple, étudié la fabrication de briques en plastique pour répondre aux enjeux sociaux et écologiques du BTP au Maroc. Puis, le parcours proposait quatre mois de stage en start-up dans un pays d’Afrique pour en découvrir le tissu entrepreneurial, que j’ai passés en Côte d’Ivoire (cinq mois au total, en ajoutant un mois de voyage). Ce fut une expérience très enrichissante, qui m’a offert de belles rencontres et des moments inoubliables ! J’ai beaucoup appris sur moi-même, notamment ma capacité à faire des choix différents des autres et à les assumer. J’ai aussi réalisé la chance que j’avais d’être né et de vivre en France, nous avons un pays merveilleux, quoi qu’on puisse en penser.
Technica : Une fois ton diplôme de Centrale Lyon en poche, tu intègres un Bureau d’études et d’ingénierie pionnier dans le biomimétisme. Quel était ton rôle au sein de cette structure ?
J’ai travaillé un an dans une start-up appelée Bioxegy, bureau d’ingénierie spécialisé dans le biomimétisme. Il s’agit d’une démarche de R&D qui consiste à s’inspirer du vivant pour développer des technologies. Par exemple, le célèbre train japonais Shinkansen a été inspiré dans la forme de sa façade par le bec du martin-pêcheur, qui ne produit aucune éclaboussure quand il plonge et peut donc attraper les poissons à vue. Grâce à son nez « bio-inspiré », le Shinkansen peut pénétrer dans un tunnel tout en limitant grandement les ondes de choc liées à la compression de l’air. Le biomimétisme ne se limite évidemment pas au ferroviaire, on le retrouve dans des secteurs comme la santé, l’aéronautique, les télécommunications, le BTP, et même l’événementiel et le luxe !
J’ai commencé chez Bioxegy comme analyste scientifique : je m’appuyais sur des articles scientifiques autour du biomimétisme pour répondre aux besoins de nos clients, en concevant des technologies inspirées du vivant. Les besoins pouvaient être très variés (nos clients étaient souvent de grandes entreprises de différents secteurs) et les travaux de R&D couvraient des domaines comme l’algorithmique, la thermodynamique, la mécanique des solides ou encore la chimie organique. Après quelque temps, je suis devenu responsable de plusieurs projets. Je travaillais, par exemple, avec une entreprise suisse de l’horlogerie de luxe, qui cherchait à réduire les frottements au niveau du bracelet des montres, limiter les effets de lumière indésirables au niveau de la glace ou encore développer un profondimètre pour les utilisateurs.
En parallèle, j’étais régulièrement invité sur la chaîne de télévision BSMART, pour présenter des idées d’innovations biomimétiques lors de l’émission Smart Tech. Par exemple, j’ai présenté une façon de s’inspirer du plumage des manchots pour réduire la consommation de carburant dans l’industrie maritime, ou encore de concevoir un robot de surveillance environnementale résilient en s’inspirant du métabolisme des paresseux !
Cette expérience m’a permis de satisfaire mon goût pour la biologie, d’avoir un premier aperçu du pilotage de projet en environnement professionnel, de développer ma culture du monde de l’entreprise et d’être plus à l’aise avec la prise en parole en public.
Technica : Tu enchaînes avec une mission de conseil auprès du cabinet du ministre de l'économie de Wallonie. Comment s’est présentée cette opportunité et quelles étaient tes missions ?
Après Bioxegy, j’ai été contacté par une connaissance qui possédait un cabinet de conseil à Bruxelles et qui m’a proposé de travailler avec lui pendant quelques mois sur une nouvelle mission. Celle-ci consistait à identifier l’impact de la crise des composants microélectroniques sur la région wallonne et les stratégies pour y faire face, afin de délivrer un rapport au cabinet du ministre de l’économie. J’étais au contact des différentes parties prenantes et je m’occupais principalement de la Data Analysis. Je considère cette mission comme une expérience de transition, qui m’a permis d’entrevoir le monde du conseil en stratégie dans un secteur d’importance géopolitique majeure, avant de débuter mon aventure chez Alstom.
Technica : Changement de cap en février 2023, puisque tu rejoins Alstom comme Spécialiste Outils et Systèmes de projet, poste que tu occupes toujours aujourd'hui. Dans quel département travailles-tu et en quoi consiste ton travail?
Fort de mes expériences précédentes, j’avais envie de découvrir le monde des grandes entreprises de l’intérieur. J’ai ainsi été embauché chez Alstom, où je travaille au PMO (Project Management Office), situé au siège social du groupe, à Saint-Ouen en Île-de-France. Je travaille dans un département chargé du déploiement d’un nouvel outil de gestion de projet à l’échelle du groupe.
J’ai d’abord un rôle de formateur international : je voyage dans différents pays (Afrique du Sud, Canada, Pologne, Émirats Arabes Unis, Suède, Kazakhstan…) pour y former des chefs de projet, des Work Package managers et des contrôleurs financiers aux différents process liés à l’outil, tels que l’initialisation de projet, le reporting financier, la gestion des risques ou des changements contractuels. Ces formations s’accompagnent d’un support technique régulier, pour répondre au mieux aux questions des utilisateurs.
J’ai aussi un rôle de « transversal manager » : superviser un réseau de Key-Users sur une région qui couvre l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie centrale, afin d’assurer la conduite du changement pour que le déploiement de l’outil se passe au mieux, à l’aide d’un outil BI (Business Intelligence) et d’indicateurs de performance ciblés.
Enfin, j’ai une casquette « Intelligence Artificielle » plus technique : j’accompagne le déploiement d’un chatbot adapté à l’outil pour aider les utilisateurs dans leurs requêtes. Je suis en interaction régulière avec l’équipe de développement, c’est un sujet qui m’intéresse beaucoup !
Technica : Quels sont les principaux challenges que tu rencontres dans ton travail?
Un des défis actuels est la nomination et la formation de Key-Users spécialisés dans les process liés à la gestion de projet pure (chefs de projets et Work Package managers, hors Finance et Planning). Ils jouent un rôle pivot dans la conduite du changement, en offrant un support local aux utilisateurs de l’outil et en leur cascadant les différentes formations. Mon principal défi est d’arriver à convaincre le management de ma région de leur importance pour soutenir le déploiement de l’outil, sans avoir l’autorité hiérarchique pour l’imposer. C’est du management transverse, j’aime beaucoup le côté « jeu d’équilibriste » et les relations de confiance que ça m’amène à créer avec les gens ! Ce sujet va de pair avec l’amélioration continue de l’outil, qui doit en permanence s’adapter aux besoins des utilisateurs tout en gardant une ligne directrice résolue.
Un autre défi important est le déploiement du chatbot IA, afin qu’il réponde efficacement aux demandes des utilisateurs. L’équipe de développement utilise une technique appelée RaG (Retrieval-Augmented Generation), qui consiste à coupler un Large Language Model génératif à un programme « retriever » pour aller chercher des réponses aux requêtes des utilisateurs dans une base de données connue. Cette technique, très utilisée aujourd’hui, offre une certaine adaptabilité vis-à-vis de la mise à jour des données, ce qui est important pour nous car les informations liées aux process et à l’outil de gestion de projet peuvent évoluer. Les sources sont également connues, ce qui est un avantage significatif sur d’autres techniques à base de LLM. Le défi consiste à entraîner le modèle dans son ensemble en utilisant les données de l’entreprise, à l’aide de techniques telles que le RLHF (Reinforcement Learning by Human Feedback), afin que le chatbot réponde avec justesse et précision aux questions des utilisateurs.
Technica : En quoi ta formation d’ingénieur te sert-elle aujourd’hui dans ton travail ?
Ma formation m’a apporté une culture technique et une curiosité humaine et intellectuelle qui me donne un petit côté « tout terrain », ce qui est pour moi une grande qualité. Très important également, la capacité à raisonner de façon rigoureuse et rationnelle, en faisant des hypothèses. Par exemple, quand on cherche à extraire de la connaissance d’un ensemble de données pour résoudre un problème, il est fondamental de savoir d’abord ce que l’on cherche, et quelle hypothèse on souhaite éprouver grâce à la donnée. Par ailleurs, le cadre international offert par l’école m’a permis de développer une expérience très valorisante pour mon travail de formateur, par lequel j’interagis tous les jours avec des collègues des quatre coins du monde… Enfin, j’aimerais souligner l’importance pour moi du bagage mathématique et informatique acquis grâce à mon parcours à l’ECL (Option mathématiques & décisions en 3A). Ils jouent un rôle clé en IA et en Data Science, sujets que je me fais une joie d’approfondir.
Technica : Qu’est-ce qui est le plus gratifiant dans ton travail actuel ?
Le fait d’interagir avec des personnes du monde entier. Je travaille avec des Sud-Africains, des Marocains, des Ivoiriens, des Égyptiens, des Israéliens, des Indiens, des Polonais, des Suédois, des Kazakhs… Je trouve que ça procure une richesse folle à mon environnement de travail. L’équipe est aussi très internationale et j’aime beaucoup la relation que nous avons entre nous. La solidarité au sein d’une équipe est très importante pour un travail de qualité selon moi.
Technica : Si tu devais décrire le fil conducteur qui relie tes expériences pro depuis ta sortie de Centrale ?
Je dirais la volonté de me diversifier, d’élargir mes horizons, pour capitaliser sur mes premières années d’expérience et pouvoir approfondir un domaine qui m’intéresse. J’ai toujours aimé regarder au-delà de ce qui se présentait immédiatement devant moi. Et je sais que je serai toujours capable de faire mes propres choix, même si je suis le seul à les faire, car c’est ce que je veux pour moi.
Technica : Dernière question. On sent que tu restes très concerné par les sujets autours de la biodiversité, la nature et l’environnement. Au point de guider tes futurs choix professionnels ?
C'est vrai. J'aime toujours autant l’Histoire naturelle (j’étais passionné par les dinosaures étant petit) et je m’intéresse au travail des vulgarisateurs qui partagent des histoires belles et informatives en lien avec le vivant, la nature, la biodiversité. Toutefois, je ne pense pas orienter ma carrière professionnelle dans cette direction, mais pourquoi pas créer de petits projets à côté, comme un blog de vulgarisation sur la paléontologie ? Affaire à suivre…
QUESTIONNAIRE EXPRESS
- 3 adjectifs pour qualifier l’élève que tu étais à Centrale Lyon ?
Enthousiaste, curieux, atypique.
- Un.e camarade de promo avec qui tu traînais tout le temps ?
Mon bon ami Josué Koffi, j’ai toujours le porte-clé de sa chambre au bâtiment U de la résidence Comparat.
- Ta matière préférée à Centrale Lyon ?
J’hésite entre l’Automatique avec Emmanuel Boutleux, le Traitement du Signal avec Éric Blanco, la SHS avec Nicolas Hourcade et les Statistiques avec Céline Helbert !
- Celle que tu appréciais le moins ?
Pas très fan de la GM^^
- Ce que tu voulais faire comme « métier » pendant ta formation à l’ECL ?
Je ne savais pas quel métier je voulais faire, mais je savais que je voulais explorer ce qui m’était possible en m’en donnant les moyens, grâce aux opportunités offertes par l’école. Si je devais répondre quand même, je dirais quelque chose en rapport avec les maths.
- Un conseil que tu donnerais aux élèves actuellement à Centrale Lyon ?
Intéressez-vous aux autres, ne restez pas trop entre Français si vous êtes Français, faites-vous de bons amis, ne buvez pas trop en BE et n’ayez pas peur de faire des choses uniques !
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