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30 septembre 2024

La data au service de la performance des clubs de foot professionnels par Louis Duverneuil (ECL2018)

Louis Duverneuil (ECL2018), Data Scientist chez SportsDynamics, nous dévoile les coulisses de son métier au service des clubs professionnels de football. Il explique notamment comment son équipe développe pour les staffs techniques des outils avancés pour analyser le jeu, améliorer les performances et affiner les stratégies. De la modélisation des déplacements à la détection des failles adverses, découvrez comment les données sont en train de révolutionner le football professionnel. 


Technica : Bonjour Louis. Tu travailles chez SportsDynamics comme Data Scientist. En quoi consiste ton travail auprès des équipes professionnelles de football ?

Bonjour à tous. En tant que Data Scientist, mon rôle est de développer (en python) des indicateurs dynamiques de performance dans le football. L’objectif est de fournir à nos clients (clubs de foot) toutes les clés pour analyser leurs résultats sportifs ainsi que ceux de leurs adversaires. Nous menons ainsi de multiples projets variés au sein de l’équipe Data science : Machine Learning, parallèle avec la physique pour intégrer la dynamique du jeu, architecture de base de données, …

Je participe également au développement de la startup en accompagnant l’équipe commerciale lors du processus de vente, en étant un soutien technique.

Technica : Quelles sont les principales problématiques des équipes qui sollicitent vos services ?

Les staffs techniques des clubs avec lesquelles nous travaillons manquent tous de temps pour analyser le jeu que ce soit celui de leur équipe, mais aussi celui de leurs futurs adversaires. L’analyse vidéo peut s’avérer chronophage surtout lorsqu’on ne dispose pas des bons outils. Ceux que nous proposons aux clubs visent ainsi à leur faire gagner du temps en accédant rapidement aux informations, données et séquences des matchs qui les intéressent.

L’autre avantage des solutions que nous proposons aux clubs tient dans le fait qu’ils permettent de capter des informations difficiles à voir à l’œil nu. Par exemple, la modélisation des déplacements des joueurs sur le terrain permet de quantifier les espaces qui se libèrent notamment dans le dos des défenseurs. C’est le genre d’informations qui permet au staff technique de travailler une stratégie de jeu adaptée à leurs futurs adversaires.

 

Les clubs s’appuient également sur les indicateurs personnalisés que nous leur fournissons concernant les joueurs, que ce soit pour améliorer leurs points forts, corriger leurs éventuelles faiblesses, mais aussi dans une logique de recrutement, afin de s’assurer par les données récoltées, que les joueurs suivis correspondent bien à la philosophie de jeu que l’entraîneur souhaite mettre en place.

Technica : Où se situent les principaux challenges pour un data scientist comme toi?

La première exigence consiste à développer des indicateurs fiables et pertinents pour nos clients, tout en cherchant en permanence le bon équilibre entre réactivité et fiabilité des données.

Il faut également entretenir nos connaissances et être en permanence à la recherche de nouveaux outils et d’idées innovantes. Il y a de nombreuses études réalisées dans le milieu du sport et c’est essentiel pour nous de nous tenir au courant des différentes avancées.

Technica : Sur quels éléments se concentrent les actions de votre pôle R&D ?

L’innovation et la recherche sont à la base de notre démarche. SportsDynamics a été fondée à partir de travaux de recherche en Physique fondamentale sur la dynamique du jeu dans le but à la fois de modéliser les déplacements des footballeurs sur le terrain, mais aussi de travailler sur la notion d’espaces. Cette méthodologie a ensuite été brevetée avec le CNRS et l'école Polytechnique.

Aujourd’hui, nous avons différents axes de recherche comme par exemple la détection automatique de formation : savoir dans quel système une équipe évolue et ce, lors des différentes phases de jeu du match (ndr. en défense une équipe n’a pas forcément le même système de jeu qu’en phase offensive).

 

Par exemple, nous avons travaillé récemment sur les coups de pieds arrêtés. Ces phases de jeu sont particulièrement tactiques et l’utilisation de la donnée apporte une réelle plus-value pour les équipes. Par exemple, nous avons développé un modèle qui détecte le rôle individuel de chaque défenseur lors des corners, ainsi que la meilleure stratégie défensive à mettre en œuvre (une défense de zone, un marquage individuel ou un système hybride entre les deux).

Technica : Aurais-tu des exemples précis de bénéfices en termes de performances qu'a pu apporter un dispositif de Sportsdynamics?

Les retours clients valident clairement le fait que les données SportsDynamics aident l’encadrement des équipes professionnelles de football à mieux identifier les forces ou faiblesses de leur effectif. Le Bayer 04 Leverkusen, club avec lequel nous avons un partenariat depuis plusieurs années a ainsi été sacré Champion d’Allemagne lors de la saison 2023-2024 avec au passage un record d’Europe d’invincibilité pendant 51 rencontres ! Si le mérite en revient aux joueurs et au staff, nous espérons que notre collaboration les a aidés à hausser leur niveau de performances.

 

Sur le plan individuel également, les datas ont probablement aidé un joueur comme Florian Wirtz à progresser en aidant le staff technique à identifier ses forces à développer et ses défauts à corriger. S’il avait déjà des données dynamiques exceptionnelles à son arrivée au Bayer 04 Leverkusen en 2020, il est aujourd’hui considéré à seulement 21 ans comme un des meilleurs milieux offensifs d’Europe.

Technica : Y a-t-il des innovations actuellement en stand-by à cause de technologies pas encore tout à fait au point ?

En effet, certaines données ne sont pas encore accessibles, ou ne sont pas encore assez fiables. Par exemple, nous ne travaillons pas encore avec les positions des squelettes des joueurs. Cette donnée nous permettrait de connaître l’orientation des épaules des joueurs et la direction de leur regard lors de certains gestes ou actions. Certains fournisseurs mettent ces données à disposition mais elles ne sont pas encore suffisamment fiables.

Technica : Un des biais de la data dans le sport n'est-il pas d'individualiser les performances au détriment d'une logique collective, un peu comme en NBA, où les stats individuelles sont omniprésentes ?

Le risque existe mais dépend souvent de la personne qui utilise ces datas. Un spectateur aura tendance pour départager deux attaquants à comparer le nombre de buts qu’ils ont chacun inscrits. Grâce à des données beaucoup plus riches et détaillées, le staff technique d’une équipe de football professionnel va chercher à évaluer les performances d’un joueur dans un contexte collectif.

 

Car les joueurs peuvent avoir des consignes très précises à respecter, certaines pouvant parfois desservir à première vue leurs statistiques individuelles. La finesse des données d’analyse que nous proposons permet aux entraîneurs de contextualiser les performances pour mieux les analyser.
Par exemple, sur la saison 22/23 de Ligue 1, Jonathan David du LOSC est le joueur qui a réalisé le plus de courses en profondeur. Pourtant, il a eu un très faible pourcentage de ballon touchés lors de ses courses. On pourrait estimer que ces appels de balle n’étaient pas bons puisque ses coéquipiers ne lui ont pas fait suffisamment de passes. Mais si l’on observe les espaces libérés dans les défenses adverses par ses appels en profondeur, la conclusion s’inverse et l’on constate que Jonathan David, par ses déplacements a permis à ses coéquipiers de se créer de nombreuses occasions de but. C’est un bon exemple de l’utilisation de plusieurs données et plans d’analyse offrant une perspective enrichie d’une performance individuelle ramenée dans un contexte collectif.

Technica : L'analyse des données peut-elle conduire à une uniformisation des styles de jeu, les équipes pouvant adopter des stratégies similaires basées sur des insights communs, diminuant ainsi la diversité tactique?

Il existe des tactiques «  à la mode » en partie à cause de l’impact de la data. C’est le cas du contre pressing [réaction à la perte de balle] depuis quelques années, car la proportion d’actions dangereuses découlant d’une récupération haute est très élevée.

Est-ce que pour autant cela participe à formater les styles de jeu ? Je ne le pense pas. La richesse des données disponibles permet une grande diversité dans l’analyse. La tactique et le style de jeu d’une équipe dépend de la vision de l’entraîneur et bien sûr des joueurs à disposition. Une même donnée peut-être analysée très différemment selon les staff techniques. On retrouve cette idée parmi nos clients qui malgré un accès à la donnée parfois similaire, les styles de jeux restent très variés. Le jeu de l’Olympique Lyonnais ne ressemble pas à celui de la Croatie, ni de l’OGC Nice ou encore de WestHam.

Auteur

Louis Duverneuil est Data Scientist Senior chez SportsDynamics, société française fondée à partir de travaux de recherche en Physique fondamentale sur la dynamique du jeu (méthodologie brevetée avec le CNRS et l'école Polytechnique) dans le but à la fois de modéliser les déplacements des footballeurs sur le terrain, mais aussi de travailler sur la notion d’espaces. SportsDynamics collabore aujourd'hui avec des clubs issus des principaux championnats majeurs européens.

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