Antoine Grapperon, Senior Solutions Analyst chez INRO Montréal
Après un double-diplôme à l’École Polytechnique de Montréal en planification des transports, Antoine Grapperon (ECL2014) a intégré la société INRO spécialisée dans le développement de solutions logicielles en faveur de la mobilité de demain. Il nous parle de son parcours, de son métier, de la vie au Québec et de son envie de revenir un jour pourquoi pas travailler en France
Bonjour Antoine. Tu es installé depuis 2014 à Montréal. Explique-nous ce qui t’a amené à traverser l’Atlantique ?
Après ma 2e année à Centrale Lyon, je souhaitais profiter de ma césure pour rejoindre ma petite-amie de l’époque au Québec. Malheureusement, le pays était alors secoué par un important scandale de collusion dans le secteur de la construction (cf la Commission Charbonneau), domaine dans lequel je cherchais précisément un stage. A la place, j’ai travaillé plusieurs mois à Paris sur des calculs de structure appliqués aux monuments historiques. Mais je n’abandonnais pas pour autant l’idée de traverser l’Atlantique. J’ai candidaté pour effectuer dès la rentrée suivante un double-diplôme en calcul de structure à l’École Polytechnique de Montréal. J’ai eu la bonne surprise d’être accepté, mais les choses ne se sont pas vraiment passées telle que je l’imaginais. Mon histoire avec ma petite-amie n’ a pas duré et surtout, j’ai compris dès mon premier cours de planification des transports, que c’était précisément ce que je voulais faire. J’ai alors ré-orienté ma maîtrise, le sujet précis de ma thèse était: Activity based approach to estimation of dynamic origin destination matrix using smartcard data.
Pourquoi ce coup de cœur pour la planification des transports ?
Pendant toute ma scolarité, j’ai reculé le moment où j’aurais à choisir une voie en particulier. J’ai aimé apprendre, mais j’avais l’impression que seule une infime partie de ce que j’apprenais me servirait dans mon travail. Lorsque je me suis intéressé à la planification des transports, j’ai compris que c’était un sujet qui allait me permettre de mettre en œuvre les matières qui m’étaient enseignées via des applications concrètes, que ce soit en ingénierie logicielle, en mathématiques voire même en psychologie.
D’après ton expérience, existent-ils des différences dans la formation des ingénieurs en France et au Québec ?
Au niveau Baccalauréat (niveau d’études équivalent à la formation fournie à Centrale Lyon), la formation théorique à Polytechnique Montréal est moins poussée qu’à Centrale Lyon. Elle permet d’être opérationnel dès le diplôme en poche et de répondre aux besoins immédiats des industries locales. C’est une approche pragmatique mais qui présente des limites, comme le fait de spécialiser très tôt les étudiants et potentiellement de limiter leur capacité à s’adapter par la suite. Je considère personnellement que la formation généraliste à la française est un atout pour une carrière d’ingénieur.
Comment as-tu été recruté une fois ta maîtrise en poche ?
J’ai très tôt su que je voulais travailler pour la compagnie INRO qui développe depuis 40 ans des logiciels de planification de circulation urbaine, métropolitaine et nationale, en vue d’orienter l’avenir de la mobilité. J’ai demandé au CEO de l’entreprise de faire partie du jury lors de la soutenance de ma maîtrise afin qu’il s’intéresse à mes travaux. J’ai tout fait pour mettre toutes les chances d’être embauché de mon côté, quitte parfois à donner l’impression de le harceler (rire). Heureusement, cela a fonctionné et j’ai été recruté comme Analyste des solutions dès ma sortie de Polytechnique.
En quoi consiste ton travail exactement ?
Mes missions sont très variées et j’ai la chance d’évoluer un peu comme un électron libre entre les nombreux projets de l’entreprise. J’interviens à différentes étapes de la vie des logiciels que nous développons, que ce soit pendant l’expression des besoins, lors de la réalisation des prototypes des logiciels, ou leur développement. Je participe également aux tests, j’aide à la documentation et au support technique. En tant que consultant, il m’arrive aussi de construire des modèles de planification des modèles de transports.
Qui sont les clients de vos logiciels et qu’en attendent-ils ?
Nous avons des clients dans le monde entier. Ce sont des Ministères, des organismes régionaux (DOT), des consultants, des universités, des opérateurs de transports en commun ou autoroutiers...
Nos logiciels représentent pour nos clients des aides à la décision pour les projets de mobilité sur lesquels ils travaillent. Que ce soit pour la construction d’une nouvelle autoroute, l’installation de pistes cyclables, ou d’une ligne de tramway, ces logiciels permettent de modéliser les liens existants entre toutes les données disponibles et de comparer ainsi leurs impacts respectifs sur le trafic, la pollution etc. Et au final de faire le bon choix d’implantation par exemple.
Tu as travaillé en France et maintenant au Québec. As-tu ressenti des différences flagrantes dans la façon d’appréhender le travail ?
Comme partout, cela dépend de la culture de l’entreprise. La seule différence se situe dans la perception que les Canadiens ont des experts techniques. J’avais l’impression qu’en France, les experts sont naturellement poussés vers des rôles de management. A l’inverse, un ingénieur très technique au Canada peut d’après mon expérience, plus facilement se concentrer sur ses travaux de recherche. On ne lui demandera pas forcément d’avoir ce rôle de manager s’il ne le souhaite pas.
Si je te demandais ce qui te manque le plus de la France...
La place donnée à la culture ! Je me souviens qu’à Centrale Lyon, les étudiants se passionnaient pour la musique, le théâtre, la magie, l’architecture etc. Dans le monde de l’ingénierie au Canada, il me semble que ces intérêts ont une moins grande « prévalence ».
Quelle raison te pousserait à revenir t’installer en France ?
La raison est d’abord idéologique. Je me sens redevable vis-à-vis de la France qui a investi dans mon éducation. J’ai le sentiment d’avoir une dette que j’aimerais honorer. Même si ce n’est pas d’actualité, je me verrais bien participer au développement d’une antenne française de ma compagnie. Autre possibilité : pourquoi pas travailler comme consultant en planification de mobilité urbaine. Enfin, si un jour l’École Centrale de Lyon souhaite proposer des cours sur la planification des transports, je pourrais bien tenter ma chance !
Avant de clore cet entretien, je crois que tu souhaites partager un « objet » qui t’a inspiré lors de tes débuts professionnels.
En effet, à mon arrivée dans la société INRO, je me suis beaucoup documenté sur les techniques de développement informatique pour comprendre comment créer les meilleurs codes possibles au sein d’une équipe. J’ai lu des dizaines de blogs et de livres Et c’est dans les premiers chapitres du Discours de la méthode de Descartes que j’ai trouvé les textes les plus pertinents pour approcher l’organisation de mon travail de programmeur. J’en recommande la lecture, et pas seulement aux développeurs !
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