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12 décembre 2018

Détecter un risque de septicémie en 15 minutes chrono !

Actuellement, il faut plusieurs jours pour diagnostiquer une septicémie. Demain, ce délai pourrait être réduit à un quart d’heure. C’est l’ambition du projet de recherche auquel collabore Christelle Yeromonahos, maître de conférences à l’INL (Institut des Nanotechnologies de lyon) à l’École Centrale de Lyon. Nous l’avons rencontrée.


Vous travaillez sur un outil qui vise à détecter un risque de septicémie en 15 minutes. Comment est né ce projet et comment fonctionne la solution de diagnostic que vous souhaitez mettre en place ?

La septicémie, infection bactérienne du sang, est l’une des principales causes d’admission aux urgences dans le monde. Il est essentiel de traiter cette infection le plus rapidement possible car les chances de survie déclinent de 7% par heure. Actuellement le diagnostic requière plusieurs jours.

Ainsi, des antibiotiques à large spectre sont massivement administrés en première instance. Le problème, est que le traitement n’est pas ciblé, il ne sera donc pas forcément efficace, sans compter que l’on peut développer des résistances aux antibiotiques. Le taux de mortalité pour un patient atteint de septicémie est aujourd’hui de 30%.

Récemment, plusieurs molécules sanguines ont été identifiées comme biomarqueurs de la septicémie et du type de bactéries impliquées. Ces molécules sont des espèces de très petite taille, noyées dans le sang parmi une abondance de grosses molécules. Aujourd’hui les techniques utilisées pour la détection de tels biomarqueurs sont longues et complexes. Ces techniques sont incompatibles avec le diagnostic de la septicémie. Il est urgent de développer des stratégies pour capturer de façon fiable et rapide les biomarqueurs de la septicémie, à partir d’une goutte de sang, et d’une façon compatible avec une détection par spectrométrie de masse.

En 2014, nous avons travaillé, lors d’un post doctorat au CEA-LETI, sur une technique qui permet de capturer et détecter en 15 minutes des molécules à partir d’une goutte de sang. Une goutte de sang est déposée sur du Silicium nanoporeux. Les petites molécules sont piégées dans les pores tandis que les molécules plus grosses sont filtrées et retirées de la surface par rinçage. Les molécules piégées sont ensuite analysées par spectrométrie de masse. Une analyse statistique des spectres de masse permet de discriminer des échantillons pathologiques (cardiovasculaire, presbyacousie…) d’échantillons sains. Néanmoins la discrimination de pathologies à un stade précoce reste impossible et reflète la nécessité d’accroître la sensibilité de la méthode.

Partant de ces résultats, PORIDG a pour but de développer une plateforme innovante, basée sur le Silicium nanoporeux et la spectrométrie de masse, pour le diagnostic de la septicémie en 15 minutes. Nous avons identifié une nouvelle stratégie pour résoudre le problème de sensibilité : développer une matrice de Silicium qui permet de capturer sélectivement les molécules biomarqueurs de la septicémie. Pour cela nous proposons de contrôler les capacités de capture du Silicium poreux en ajustant ses propriétés chimique de surface en 3 dimensions.

Il est essentiel de traiter cette infection le plus rapidement possible car les chances de survie déclinent de 7% par heure

Comment se déroule concrètement la collaboration avec les autres acteurs de ce projet ?
La nature interdisciplinaire de PORIDG bénéficie de l’expertise de 4 partenaires, chercheurs, cliniciens et industriels : l’Institut des Nanotechnologies de Lyon à l’Ecole Centrale de Lyon, le CEA-LETI, le CHU de Grenoble et MEDIMPRINT. PORIDG bénéficie aussi de la plateforme technologique NanoLyon.

Le projet est organisé autour de 3 axes qui répartissent le savoir-faire et les développements technologiques entre les partenaires. En tant que coordinateur de PORIDG je suis responsable de la progression des études, du succès des résultats intermédiaires et de la coordination des tâches entre les partenaires. J’effectue également le lien administratif et scientifique avec l’ANR. Des réunions sont prévues régulièrement avec tous les partenaires. Un accord de consortium est en cours de discussion.


Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous êtes confrontée ?

L’un des principaux verrous scientifiques auquel nous sommes confrontés est la modélisation des interactions moléculaires aux interfaces solides / liquide. Pour cela nous combinons des techniques de caractérisation expérimentales à des simulations numériques à l’échelle de l’atome.

Un autre verrou concerne la viabilité industrielle des solutions proposées. Grâce aux partenaires impliqués dans PORIDG, nous cherchons à anticiper au mieux le transfert technologique et les besoins des utilisateurs finaux.

Sur 7004 pre-propositions soumises à l'Agence Nationale de la Recherche, seuls 981 projets ont été retenus en 2018

Quelle est la procédure pour obtenir l'aide de l'ANR ? Etait-ce une surprise de l'obtenir ou étiez-vous plutôt confiante?

La demande de financement à l’ANR (Agence Nationale de la Recherche se fait en deux phases. D’abord la soumission d’une pre-proposition de 4 pages. Puis la soumission d’un projet final en 20 pages. Sur 7004 pre-propositions, 981 projets ont été retenus en 2018.

C’est la deuxième fois que nous soumettons ce projet à l’ANR. En 2017 le projet était classé en liste complémentaire. L’ANR nous a fait plusieurs remarques qui nous ont permis de consolider le projet pour 2018. Même si l’on gardait bon espoir, cela reste une très bonne surprise !

Comment se concrétise cette aide de l'ANR et que va-t-elle vous permettre de faire ?

Le budget alloué par l’ANR va nous permettre d’acheter des équipements et des consommables indispensables à l’avancée du projet. Nous allons également recruter un stagiaire sur 6 mois et financer une thèse sur 3 ans. Enfin, une partie du budget sera destinée à la valorisation des travaux via la participation à des conférences nationales et internationales.

Auteur

Christelle Yeromonahos est ingénieur diplômée de l'Institut National Polytechnique de Grenoble (mécanique des fluides) en 2008, et titulaire d'un doctorat de l'université de Grenoble en Physique (diffusion de la lumière, hématologie), obtenu en 2011. Après un post doctorat à l'Université d'Oxford, elle rejoint l'Institut des Nanotechnologies de Lyon (INL) comme ingénieur recherche matériaux. Depuis 2016 elle est maître de conférences à l'École Centrale de Lyon / INL dans l'équipe Chimie et Nanobiotechnologies.

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