Alex Andrix : Rencontre avec un chercheur d’art
L’art d’Alex Andrix est à l’image des particules qui nous entourent : en perpétuel mouvement. Ses œuvres numériques nous invitent à vivre des expériences sensorielles uniques au travers de la mise en scène de recherches scientifiques. Rencontre avec un ancien élève de Centrale Lyon qui manie les équations mathématiques et les particules en guise de pinceaux.
Bonjour Alex Andrix. Tu utilises les équations mathématiques et les particules pour réaliser tes œuvres numériques. Une sorte de créature hybride entre l’ingénieur et l’artiste en somme ?
J’ai toujours un peu de mal à trouver les adjectifs qui qualifient la spécificité de ma pratique. Même si aujourd’hui ma démarche est avant tout artistique, je m’inspire souvent des sciences et plus précisément d’expériences réalisées par des chercheurs pour créer mes oeuvres. C’est à la fois un travail de mise en scène et de vulgarisation en privilégiant la forme pour faire ressortir le fond.
@credits Yves Brozat
A la dimension artistique, faut-il ajouter une forme de volonté pédagogique dans tes œuvres ?
Intrinsèquement, oui. Quand je collabore avec des chercheurs, j'étudie leur démarche scientifique avant de créer une oeuvre, qui peut s'apparenter une forme de sublimation d'une partie de leur travail. J'y apporte ma sensibilité artistique et chaque oeuvre est une histoire. Le partage de cette histoire est toujours un bon moyen de médiation scientifique avec les visiteurs.
Cela implique donc que tu comprennes leurs travaux afin de les valoriser…
Sans prétendre atteindre une compréhension exhaustive des sujets de recherche, je cherche à m'approprier suffisamment de notions pour bien saisir la démarche scientifique, quitte à aligner quelques calculs sur papier. Cette compréhension technique est, je pense, un des fondements de mon travail artistique, et ce qui intéresse les chercheurs dans mon approche. C'est cette particularité que j'aimerais cultiver dans notre approche de l'art-science.
Variations Physiques trailer FullHD - Alex Andrix @2018 from A A on Vimeo.
Expliquer une démarche artistique n’est pas toujours simple ni souhaitable, mais je te pose quand même la question !
Pas simple en effet. Mon idée est de mettre en scène numériquement des mouvements de particules sur un canevas plan ou en 3D, en s’inspirant de travaux de recherches réels. Par exemple pour le projet Variations Physiques vol. 1, que j’ai mené en partenariat avec le CNRS, je me suis appuyé sur 2 expériences réalisées au Laboratoire de Physique de l'ENS de Lyon, et 1 de l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble. Le projet consistait à projeter les mouvements d’un nuage de particules dans un espace en 3 dimensions, sur une composition musicale inspirée du baroque, en fonction d’équations liées aux différents champs de force en présence. L’utilisation de la réalité virtuelle permettait également de projeter l’utilisateur au cœur de l’œuvre et d’interagir avec elle.
Tu travailles avec des chercheurs et des scientifiques. Quel regard portent-ils sur tes travaux ?
La plupart des projets naissent de rencontres avec des scientifiques passionnés par leur domaine, qui s’impliquent naturellement dans le process créatif. Ils font par nature partie du projet et sont très curieux de découvrir une autre manière d’exprimer leurs recherches.
Selon toi, ta démarche artistique se rapproche t-elle de celle d’un chercheur ?
Dans une certaine mesure oui. Ma pratique est très proche de celle d’un scientifique. Comme un chercheur, je pars d’une idée de là où je souhaite aller, je réalise un premier essai rarement satisfaisant, et répète l’expérience dans une dynamique d’essai/erreur jusqu’à atteindre un résultat concluant. Le processus créatif apporte souvent son lot d'insatisfactions et de bonnes surprises, d'improvisations et de nouvelles idées. En ça, il y a sans doute pas mal de similitudes en effet.
Transition - VR experience - Mirage Festival 2018, Lyon
Comment est née ton envie de créer de l’art à partir de données scientifiques ?
La première fois, c’était lors d’un projet en prépa grandes écoles où je m’amusais à envoyer des particules dans l’espace et à les soumettre à des champs magnétiques pour étudier la magnetosphere de Jupiter. Les particules prenaient des formes et je dois admettre que c’était plus joli à regarder que scientifiquement rigoureux. Mais c’est lors de mon année en double-diplôme au KTH Royal Institute of Technology à Stockholm que j’ai vraiment eu le déclic, en bossant avec 7 autres étudiants sur un projet qui consistait à transformer la voix en œuvre d’art visuel.
Quelle place occupe aujourd’hui ton travail artistique dans ton quotidien ?
J’ai d’abord eu la chance que mon ancienne entreprise, spécialisée dans le développement de sites et d’applications, me propose de consacrer 1 journée par semaine à mon activité artistique dans le cadre d’actions de R&D pour montrer ce qu’il était possible de faire avec nos technologies de développement web. Ça m’a permis de créer dans un contexte plus officiel. Il y a 6 mois, j’ai finalement décidé de m’y consacrer à plein temps, sachant que j'endosse plusieurs rôles à la fois dans mes projets et que ce n’est pas toujours simple à gérer.
@credits Yves Brozat
Qu’est-ce qui te passionne le plus dans ton travail ?
Le processus de création, et bien sûr le résultat ! La technologie en revanche n’est pour moi qu’un moyen d’expression, comme un peintre qui choisirait ses pinceaux favoris. Le visuel et l’expérience proposée sont nettement plus passionnants à mes yeux.
Pour conclure, j’ai entendu parler d’un projet «Kinexperience». Peux-tu nous en dire deux mots ?
Le projet est né en 2018 de ma rencontre avec la danseuse Ariane Cassimiro qui avait envie d’expérimenter le travail avec les nouvelles technologies dans le but d’offrir un autre regard, moins clivant et expert, sur le monde de la danse. De là est né le projet Kinexperience qui permet grâce à la réalité virtuelle de plonger le public dans un icosaèdre qui réagit au mouvement des mains et des pieds. Ces derniers déclenchent des effets visuels, tels que l’éclairage des traces ou l’explosion de particules, donnant en retour un aperçu de ses propres mouvements et de son espace corporel.
L'actu d'Alex Andrix :
- L'expo 'Alex Andrix' : 3 oeuvres en grand devant les amphis du bâtiment W1 à l'ECL
- Fin février début mars : le bâtiment M7 du site Monod de l'ENS de Lyon nouvellement occupé par le Laboratoire de Physique va décorer l'entièreté de son grand couloir avec les 8 oeuvres de l'expo Variations Physiques de la Fête de la Science.
- Portraits, un format d'échange avec un chercheur, en immersion sur deux jours avec à la clé une oeuvre A0 imprimée pour le labo, et une autre en tissu pour alimenter une collection grandissante.
- Variations Physiques volume 2 est en discussion, pour une plus grande équipe musicale, et des chercheurs de plusieurs labos différents.
Pour en savoir plus et suivre son actu : alexandrix.com et codepen.io
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