Double-cursus Architecte-Ingénieur : témoignage de Nicolas Guieu diplômé de l'ENSA en formation à l'ECL
Diplômé de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon en 2018, Nicolas GUIEU poursuit une formation d’ingénieur à l’ECL par le biais du double-cursus Architecte-Ingénieur. Une formation qu’il a choisie, car elle mêle selon lui les deux aspects nécessaires à façonner les territoires et les espaces de demain: l’imagination et la technique.
Bonjour Nicolas. Tu termines actuellement ton double-cursus ingénieur-architecte au sein de Centrale Lyon. Peux-tu nous présenter ce cursus et pourquoi t’y être intéressé ?
Si le double-diplôme ingénieur/architecte existe depuis une vingtaine d’années notamment à Lyon et à Paris, cela fait seulement 5 ou 6 ans que le cursus se démocratise au niveau national au sein de plusieurs écoles d’ingénieur et d’architecture. Comme son nom l’indique, ce cursus permet à des architectes de suivre une formation d’ingénieur parallèlement à leurs cours, et inversement, à des ingénieurs de se former au métier d’architecte. Centrale Lyon fait partie des 3 écoles, avec l’INSA et l’ENTP (École Nationale des Travaux Publics de l’État) à proposer ce double-diplôme en partenariat avec mon école l’ENSA Lyon. Quant à moi, je me suis toujours passionné pour l’architecture, un intérêt que j’ai notamment développé au travers de mes voyages. Au moment de décider de ce que j’allais faire après le bac, j’étais partagé entre d’un côté, mon goût pour les domaines scientifiques et l’apprentissage rigoureux qu’offre la formation d’ingénieur, et de l’autre, mon intérêt pour l’architecture. C’est finalement cette dernière qui a prévalu et m’a fait choisir l’ENSA. Le double-diplôme m’a permis plus tard de concilier mes deux aspirations.
Comment se déroule concrètement ce double cursus ?
L’idée est de concentrer sur 7 ans, à la fois la formation d’architecte et celle d’ingénieur qui, en temps normal, prennent en tout, 2x5 ans si on tient compte de la prépa. J’ai donc suivi en même temps que mes cours d’archi, une prépa scientifique qui m’a permis au bout de deux ans, d’intégrer ce double-cursus en partenariat entre mon école et Centrale Lyon. A la fin de cette prépa intégrée, j’ai débuté ma formation d’ingénieur à Centrale Lyon tout en poursuivant mon école d’architecture. Pendant les 3 années qui suivirent, j’ai étudié la quasi-totalité du programme de première année de Centrale Lyon, soit un tiers du programme chaque année. Ensuite seulement, c’est-à-dire une fois le diplôme d’architecte acquis, j’ai intégré Centrale Lyon à plein temps en deuxième année.
Je suis convaincu qu’en matière de construction, l’esthétique et l’imaginaire font sens dès lors qu’ils répondent à un usage et à une fonction
En quoi ta formation d’architecte t’a-t-elle servi pour réussir à Centrale Lyon ?
La formation d’architecte est semblable à celle que l’on recevoir à Centrale : très encadrée. Mais en master 2, on se retrouve à l’inverse plus libres, avec un projet à mener de façon autonome sur l’année. Cela pousse les étudiants à sortir du confort des cours pour se confronter à la réalité. Cela implique d'aller chercher les informations par nous-même en sollicitant les bons interlocuteurs et multiplier ainsi les points de vue. C’est une démarche qui m’a tout de suite plu, car pour fonctionner, mon cerveau a besoin de visualiser les choses, de confronter les informations qui lui sont données, avec d’autres sources afin d'élargir les perspectives. Cette pédagogie qui responsabilise et nécessite de s'organiser m’a aidé à m’adapter à l’enseignement dispensé à Centrale Lyon, qui en dehors du tronc commun, est plus souvent orienté projet.
As-tu été surpris par la formation dispensée à Centrale Lyon ?
Le tronc commun dont je parlais à l’instant n’offre pas de réelles surprises, à l’inverse des modules plus périphériques proposés en 2A comme les cours de communication, d’économie, de sociologie, de management . Ce sont des savoirs qui manquent à la formation d’architecte, et qui permettent de se préparer aux réalités du monde professionnel.
En quoi ton profil d’ingénieur et d’architecte est-il aujourd’hui recherché sur le marché du travail ?
Il faut rappeler que l’architecte et l’ingénieur ont longtemps été formés dans les mêmes écoles. Il a fallu la séparation de l’Ecole des Beaux-Arts et de celle de Polytechnique pour qu’on distingue, voire qu’on oppose ces deux professions. La conséquence, c’est qu’aujourd’hui les architectes et les ingénieurs ont souvent deux façons très différentes de penser les projets. Les architectes par exemple ne sont formés que de façon très théorique à la construction. D’ailleurs, une fois en poste, ils limitent au maximum leur visite de chantier car leur valeur-ajoutée reste limitée. De leur côté, les ingénieurs du bâtiment négligent l’approche « esthétique » de la construction. Cela crée des tensions, les deux métiers s’interrogeant sur la légitimité de l’autre. Je pense que ce double profil ingénieur et architecte permet de concilier les deux approches, depuis la conception jusqu’à la réalisation. C’est un vrai plus pour les cabinets d’architecture de pouvoir se positionner comme une interface capable de comprendre et de challenger les réflexions des deux parties.
Combien y a-t-il d’élèves de ta promo d’École d’architecture qui ont fait le même choix que toi ?
Nous étions au départ 6 étudiants à intégrer Centrale Lyon. Il n’en reste aujourd’hui que 3. Ce n’est pas toujours évident de suivre les cours notamment dans les sciences dures. Dès la deuxième année, nous sommes logés à la même enseigne que les autres élèves qui ont suivi une prépa spécifique avec souvent un niveau très élevé. À l’inverse, pour les Centraliens qui intègrent l’ENSA, la difficulté est dans le développement de leur esprit créatif, de leur sensibilité aux ouvrages construits ainsi qu’a leur esthétique.
Je suis en effet convaincu qu’en matière de construction, l’esthétique et l’imaginaire font sens dès lors qu’ils répondent à un usage et à une fonction. L’acte architectural doit être total et équilibré. Art et Science ne peuvent s’opposer. Ça ne peut être un choix discriminatoire. Ils se complètent. Ils donnent à l’architecture et aux lieux que nous habitons, à la fois leurs solides fondations qui les soutiennent et leur apparence qui les caractérisent. L’un ne va pas sans l’autre.
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