

Sébastien Blanc (95) : piloter l’aménagement autoroutier face aux défis de demain
Chef du Département Opérations d’Aménagement chez APRR au sein de la Direction des Opérations (maîtrise d’ouvrage), Sébastien Blanc pilote des projets d’infrastructure majeurs : élargissements, développement des voies réservées, écoponts, aménagement de l’autoroute A6 traversant la grande couronne parisienne... Dans cet entretien, il revient sur les défis de son métier : adapter l’autoroute aux nouvelles mobilités, intégrer les impératifs environnementaux et anticiper les effets du changement climatique. Il partage aussi sa vision des infrastructures de demain et l’impact des nouvelles technologies sur la gestion autoroutière.
Technica : Bonjour Monsieur Blanc. Pouvez-vous nous présenter en quoi consiste votre poste actuel chez APRR ?
A la Direction des Opérations des concessions autoroutières du groupe APRR-AREA depuis 15 ans, je dirige une équipe qui assure la maîtrise d’ouvrage des projets d’aménagement de toute nature que le Ministère en charge des Transports nous confie. Cela concerne aussi bien des créations de diffuseurs que des élargissements, ou encore la mise en œuvre de voies réservées au covoiturage ou aux transports collectifs, le péage en flux libre, la création d’écoponts,…
Mes missions offrent une vision large des opérations depuis l’opportunité du besoin jusqu’à la mise en œuvre opérationnelle. Cette vision élargie et le positionnement en acteur de l’aménagement du territoire, sont pour moi source d’une forte motivation pour pouvoir mener des projets de mobilité utiles, durables et résolument tournés vers la transition écologique.
Technica : Sur quels projets intervenez-vous actuellement ? Et quel rôle jouez-vous concrètement ?
Un des projets majeurs que nous menons actuellement consiste à aménager l’autoroute A6 traversant la grande couronne parisienne. Cette section de 20km dont nous avons récupéré la gestion et l’exploitation en 2023 sera entièrement rénovée et aménagée dans le but de fluidifier les déplacements, de développer les mobilités partagées et décarbonées, et d’améliorer son insertion urbaine, pour un investissement d'environ 200 M€.
Ces projets étant en forte interaction avec les territoires, j’assure notamment les relations institutionnelles avec les préfectures et tous les acteurs locaux, en particulier les élus des différentes collectivités. Je dois également m'assurer que les sujets techniques, environnementaux et réglementaires sont bien pris en compte par les équipes et nos prestataires maîtres d'œuvre, et aussi gérer les aspects budgétaires et contractuels notamment avec les entreprises de travaux. La concertation publique et la communication autour de nos projets font également partie de mes prérogatives.

Technica : Quels sont les plus grands défis actuels dans la maîtrise d’ouvrage pour les projets autoroutiers ?
Le déplacement des biens et des personnes par la route reste un moyen de transport majeur, et sa décarbonation est un enjeu essentiel. Nous devons donc nous adapter et adapter l’infrastructure afin de la rendre plus résiliente aussi bien d’un point de vue transition écologique et énergétique, que fonctionnel.
Technica : Comment le dérèglement climatique (fortes chaleurs, pluies intenses, mouvements de terrain) impacte-t-il la façon d’APRR de penser et de gérer ses projets ?
Ces phénomènes nous conduisent à penser différemment l’infrastructure dans sa conception technique (réduire au strict nécessaire les impacts sur l’environnement et les compenser en totalité, recycler de plus en plus les matériaux, limiter dès que possible les consommations, ajuster les hypothèses de dimensionnement) mais aussi dans ses objectifs finaux (se déplacer en réduisant l’impact carbone).
Technica : Au-delà des bornes de recharge pour les voitures électriques, y a-t-il d’autres initiatives chez APRR en faveur de la décarbonation de la route ?
Effectivement nous sommes très engagés dans le déploiement des mobilités électriques et avons été les premiers dès fin 2022 à équiper toutes nos aires de service avec des bornes de recharges haute et très haute puissance (150 à 300 kV) pour les véhicules légers. Nous avons également installé sur l’axe Paris-Lyon des bornes de recharge pour les poids lourds sur 6 aires en 2024 (jusqu’à 500 kW).
Nous finançons également des projets de parking de co-voiturage et mettons en œuvre des voies réservées aux co-voitureurs comme c’est le cas sur l’A48 à Grenoble (équipée également d’une voie transports en commun) ou sur l’A42 et l’A6 à Lyon. D’autres projets sont en cours pour la création de voies réservées aux transports collectifs sur bande d’arrêt d’urgence (A480 et A41 à Grenoble, A6 à Paris) et de pôles d’échanges multimodaux.
Technica : Comment APRR intègre-t-elle les nouvelles technologies (big data, IA , capteurs etc.) dans ses opérations ?
La gestion des Data et l’IA sont bien entendu au cœur de nos projets. Nous travaillons depuis plusieurs années avec des partenaires industriels pour développer une infrastructure capable d’accueillir demain des véhicules connectés pour une plus grande autonomie de conduite. Nous utilisons également de plus en plus de capteurs intégrés dans l’infrastructure afin de faire de la maintenance prédictive (en particulier dans les ouvrages d’art).
La réduction de l’empreinte écologique de nos travaux est également une préoccupation quotidienne de nos équipes, et la plupart du temps des solutions simples sont mises en œuvre (par exemple le recyclage des eaux d’hydro-démolition ou la réutilisation d’une gare de péage entièrement démontée et reconstruite d’un site à l’autre).
Technica : Faisons un peu de science-fiction, à quoi pourrait ressembler selon vous les autoroutes d’ici 20 ou 30 ans ?
Je pense que l’autoroute dans 30 ans fera toujours partie de nos déplacements quotidiens, et elle devra être décarbonnée dans sa conception et dans ses usages. Elle devra surtout être résiliente aux changements climatiques mais aussi aux besoins de déplacement qui évolueront nécessairement. Pourquoi pas des voies et une signalisation qui s’adaptent en fonction du besoin de la journée ou de la période de l’année : une voie de bus le matin avec deux voies de circulation, une seule voie de circulation et une piste cyclable dans les périodes les plus creuses ou le week-end sur des sections peu circulées, et trois voies de pleine circulation pour les grandes migrations ?
Technica : En tant qu’ancien élève de Centrale Lyon, comment votre formation a-t-elle influencé votre parcours ? Quels enseignements vous ont le plus servi ?
Je dirais surtout que c’est l’aspect généraliste qui m’a marqué et qui me permet aujourd’hui de m’adapter aux différentes situations professionnelles que je rencontre et de mener des projets pluridisciplinaires.
Questionnaire express
- 3 adjectifs pour qualifier l’élève que vous étiez à Centrale Lyon ?
Impatient (de l’avenir), jovial, et reconnaissant (envers mes parents qui m’ont toujours dit de faire ce qui me plairait).
- Un.e camarade de promo avec qui vous traîniez tout le temps ?
Je dirais plutôt que c’était un groupe, Christophe Mathey, Patrice Couvert, Martial Maitre, Stéphane Chovet et Fabien Labergri… que de souvenirs !
- Votre matière préférée à Centrale Lyon ?
Méthodes de construction des ouvrages d’art.
- Celle que vous appréciez le moins ?
Globalement les matières « de spécialistes » pour lesquelles l’approfondissement technique voire la recherche étaient nécessaires.
- Ce que vous vouliez faire comme « métier » pendant votre formation à l’ECL ?
Je voulais participer à des chantiers de grands ouvrage d’art, mais j’ai rapidement orienté ma carrière vers des métiers plus généralistes et pluridisciplinaires, toujours dans le domaine de la construction et de l’aménagement du territoire.
- Que penserait l’élève que vous étiez s’il découvrait votre parcours pro jusqu’à aujourd’hui ?
Il se dirait qu’il n’aurait pas pu imaginer tous les métiers passionnants qui existent dans le domaine de l’aménagement du territoire et de la construction. Et peut-être qu’il compléterait ses études à l’ECL par une formation d’urbaniste… qui sait !?
- Un conseil que vous donneriez aux élèves actuellement à Centrale Lyon ?
Faites un métier où vous apprenez tous les jours, intéressez-vous à tous les sujets, progressez sans cesse, et vous ne vous ennuierez jamais !
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