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B. Chavagnac
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21 mars 2019

Il était une fois... Philippe Lépine (ECL 1942)

Philippe Lépine (ECL 1942) nous a quittés en septembre dernier à l'âge de 97 ans. Héritier de la maison lyonnaise du même nom créée en 1714, il s'est appliqué tout au long de sa carrière à parfaire les instruments médicaux et de chirurgie utilisés dans les blocs opératoires. Paul David (ECL 1949) et Jacques Voinot, Docteur en médecine et proche collaborateur au sein du Musée d'Histoire de la Médecine et de la Pharmacie de Lyon, lui rendent ici hommage.


Jeunesse et formation

Philippe Lépine était le fils aîné (8 enfants) de Jacques LÉPINE (ECL 1908). Son destin a été déterminé dès son plus jeune age par sa naissance dans une famille ancestrale lyonnaise de couteliers fabricants d’instruments de chirurgie. Ses origines et son environnement familial ont déterminé sa vie et sa carrière.

Adolescent il a souvent été amené à visiter les ateliers de son père, l'occasion pour lui de s'initier au travail des métaux et au fonctionnement des machines outils. Par chance, il avait une grande habilité manuelle.

Entré à l’ECL en 1938, il en sort avec la promotion 1942, pendant la guerre donc, alors que Lyon était encore en « Zone libre ». Puis il part aux Chantiers de Jeunesse qui remplacent le service militaire. Les chantiers supprimés en 1943, il est envoyé en Allemagne au STO, dans la région de Leipzig. Il en revient en 1945. C’est là que commence sa carrière professionnelle, orientée vers la succession de son père dans la célèbre « Maison Lépine ».

 

La Maison Lépine

C’est un ancêtre d’origine suisse, Michel Lépine (de Lespinaz) qui s’expatrie et s'installe le premier à Lyon en 1714 comme « Éguiseur », dans le quartier central des Terreaux. Il évolue rapidement vers la coutellerie avec son fils Gaspard devenu « Maître Coutelier ».

Cette « Maison Lépine » va rester dans la même famille jusqu’à la fin du XXème siècle.

C’est en 1854 que celle-ci s’installe 14 place des Terreaux, en façade du Palais Saint Pierre, où l'activité coutelière était tournée vers la soierie, et les particuliers. Ce magasin, bien connu des familles lyonnaises, a été transféré en 1969 rue du Vinatier, près des Hôpitaux, abandonnant par la même occasion l’activité coutellerie.

Maison Lépine 1962

Au début du XIXème siècle, c’était la coutellerie parisienne qui avait le monopole de la fabrication d’instruments de chirurgie. Mais pendant la guerre de 1870 avec les menaces d’occupation de Paris, le Ministère de la Guerre, craignant une pénurie de matériels pour soigner les blessés, s’adressa à M. Lépine (Jacques-Joseph, 1826/1892, arrière grand-père de Philippe) qui réussit à établir à Lyon des ateliers de fabrication d’instruments de chirurgie. Ce fut considéré comme un vrai tour de force en même temps qu’un acte de patriotisme.

Philippe Lépine (8ème génération) y a fait toute sa carrière. Il avait rejoint son père en 1945, comme Directeur technique. Il en est devenu le PDG en 1965 lorsque son père s’est retiré. Il a cessé ses activités en 1985.

Au quotidien ,Philippe Lépine était en relation directe avec le milieu médical et chirurgical, non seulement par sa profession mais encore par sa famille, son grand-père maternel était le Dr. Mollard, médecin des hôpitaux. De plus, Philippe épousa Yvonne Goyet dont le père était lui aussi médecin des hôpitaux ; quant au parrain d’Yvonne, ce n'est autre que le Professeur Paul Santy célèbre chirurgien cardiaque (les « enfants bleus »).

Comme ses prédécesseurs, Philippe Lépine avait accès facilement aux salles d'opérations où il étudiait les modifications à apporter à tel ou tel instrument.

A la fin du XXème siècle, « La Maison Lépine » n’a pas échappé aux difficultés qui avaient fait disparaître les grandes maisons parisiennes et elle fut vendue en 1988 à un fabricant de prothèses, réunissant ses sociétés sous le nom de « Groupe Lépine » pour conserver un nom prestigieux (abandonnant les instruments de chirurgie).

La retraite

L’Ami des Chemins de Fer

Dès l’ECL, Philippe Lépine avait marqué un intérêt, au sens large, pour l’histoire et la technique des Chemins de Fer, dont il a suivi les évolutions, en particulier des « Tacots » nostalgiques, tramways et CdF secondaires, qui pour la plupart ont disparu pendant les années 1930 à 1950 (balayés par l’automobile, les bus et camions). Il réunit de nombreuses archives, photos et films (dont certains conservés à l’INA). 

Il a continué à participer à différents organismes et associations, principalement : « Le Musée du Cheminot » à Ambérieux en Bugey et « La Fédération des Amis des Chemins de Fer Secondaires, FACS »

Paul DAVID (ECL 1949)

 

Le Musée d’Histoire de la Médecine et de la Pharmacie de Lyon

L’activité de Philippe Lépine y est résumée ci-après par Jacques Voinot, docteur en médecine, ophtalmologiste retraité, collaborateur bénévole au Musée depuis 1997.


« Un mot sur le Musée. Il a été créé par Alexandre Lacassagne, professeur de Médecine Légale, à la fin du XIXe siècle; il est la propriété de la Faculté de Médecine Lyon I (Grange Blanche) ; il est ouvert les lundi, mardi, mercredi et vendredi l’après-midi, l’accès est libre et gratuit. Contacts : mail : musée.medpharm@univ-lyon.fr tél ; 04 78 77 70 48.

Comme Philippe aimait à le rappeler, c’est grâce à l’amitié qu’il entretenait avec l’un de mes beaux-frères, François Collardeau (ECL 1949), non seulement comme anciens de Centrale Lyon mais surtout à cause de leur passion pour tout ce qui roule sur des rails, en ville ou ailleurs, que nous nous sommes connus. Un jour, François dit à Philippe que j’allais régulièrement au Musée et il lui a conseillé de venir me rejoindre.

C’est alors, en 2001, que commença entre nous une riche collaboration.

Dès son arrivée au Musée, Philippe s’investit dans le classement et l’étiquetage de tout le matériel chirurgical qui gisait pêle-mêle dans les réserves. A côté de ce travail, qui lui convenait parfaitement, il acceptait volontiers de guider à travers nos collections les visiteurs de tous âges qui appréciaient les commentaires qu’il savait donner avec compétence et bonhomie.

En outre, il rédigea de nombreuses notices sur les instruments et appareils et présenta des communications très documentées et très bien illustrées. Il acquit ainsi une réputation nationale, voire internationale. On lui confia plusieurs cours à l’Institut d’Histoire de la Médecine sur l’instrumentation chirurgicale, ces cours sont consultables en ligne.

« Léquipe » du Musée en 2017 en haut : Dr. Chavagnac, le documentaliste, la secrétaire - en bas : Dr. Voinot, Ph. Lépine

Il était d’une habileté remarquable : aucun appareil, aucun instrument bloqué par une inactivité de longues années, ne lui résistait; il sortait de ses poches soit un couteau multifonction, soit une pince, voire un pied à coulisse… l’ingénieur était à son affaire. Si la pièce ne voulait pas se rendre, il l’emportait chez lui et la ramenait triomphalement en parfait état la semaine suivante…

Passionné par son métier de coutelier fabricant d’instruments de chirurgie, je crois qu’il trouvait là une nouvelle raison de l’exercer. Et c’est ainsi qu’il rassembla une certaine quantité de documents et de témoignages en vue de la publication d’un ouvrage qu’il voulait intituler « Mémoires d’une profession ». Il enrichit considérablement la bibliothèque du Musée en apportant des catalogues d’instruments tant français qu’étrangers.

Bien fatigué depuis 1 an, ses sorties préférées étaient de venir nous rejoindre au Musée tous les mardis. Il s’asseyait dans un grand fauteuil pour bavarder avec nous. 


Copyright : Chantal Rousset

Mais il lui arrivait encore de fabriquer une pièce, comme ce support qu’il a soudé, fraisé, tout dernièrement pour que l’appareil d’anesthésie soit complet et qu’il a mis en place à la fin du mois de Juin 2018…

Copyright : B. Chavagnac

Nous nous sommes quittés à ce moment là. »

Jacques Voinot

Conclusion

Philippe Lépine, fut un centralien qui a plus largement que d’autres contribué à son époque, il fallait en évoquer la mémoire. Vous pourrez trouver son héritage en allant visiter le Musée de l’Histoire de la Médecine à Lyon.

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