La résilience dans le monde professionnel
Cyril Barbé (ECL 1988) est coach et consultant auprès de dirigeants. Il les accompagne en particulier dans le développement de leur vision et de leurs projets de transformation. Lors d’un webinaire organisé par l’ACL en septembre dernier (voir le replay), il est revenu sur la manière dont nos prismes de perception déterminent nos émotions et nos types de réactions face aux événements et aux obstacles, ainsi que les conséquences pour nous et notre environnement. Il en a également profité pour présenter les clés pour changer nos prismes déformants et se créer un réservoir de ressources personnelles en vue de développer notre résilience ordinaire.
La résilience était jusqu’à peu l’apanage de spécialistes ayant eu à faire avec des victimes de traumatismes. Le psychiatre et écrivain Boris Cyrulnik a popularisé et vulgarisé ce terme, pour avoir lui-même vécu à l’âge de 7 ans, la disparition de ses parents morts en déportation. Cyrulnik parle donc essentiellement de résilience traumatique, c’est-à-dire la capacité à surmonter le trauma, et à en faire une force pour l’avenir.
De quoi s’agit-il ? La résilience se définit par 3 axes : la capacité à contrôler sa réaction face aux situations de la vie, les obstacles et échecs, la capacité à surmonter ces difficultés, et enfin la capacité à rebondir et à croître après une épreuve, autrement-dit à devenir plus fort après. C’est cette 3ème dimension qui fait la valeur clé et l’originalité de la résilience. On comprend donc bien que cela peut aussi bien s’appliquer au monde professionnel et à la vie en général.
En France, cette subtilité entre « résilience traumatique » et « résilience ordinaire » est encore méconnue, et le monde professionnel découvre tout juste en quoi ce concept peut lui être fondamentalement utile, même si les événements récents, en particulier sanitaires, montrent à quel point cette qualité est désormais vitale. Plus généralement, le stress lié à notre société de l’immédiateté, de la performance, et de la compétition, sont autant de raisons à s’y intéresser.
En entreprise, on parle de plus en plus de soft-skills, d’intelligence collective, d’intelligence émotionnelle, mais encore très peu de résilience. Cela étant, la science a montré que les mécanismes sont les mêmes dans les deux cas, que ce soit surmonter des traumatismes ou des difficultés au quotidien.
Elle a aussi montré les intérêts d’une telle aptitude : les personnes plus résilientes au travail ont de meilleures relations avec les autres et de meilleures capacités à résoudre les problèmes inter-personnels, plus de succès au travail, ont des attentes et se fixent des objectifs plus élevés, donnent plus facilement un sens à leur mission, ont le sentiment d’avoir le contrôle, sont moins susceptibles d’être déprimées, et ont une meilleure santé et longévité.
Or, comme toute autre compétence, la résilience peut s’apprendre. Certes chacun n’est pas au même niveau à la naissance, et les événements vécus dans notre vie peuvent aussi influencer sur ce niveau.
Grâce à la recherche notamment en TCC (Thérapies Cognitivo-Comportementales), on a montré que la résilience provient surtout de notre capacité à distinguer la situation vécue, de notre réaction. Or celle-ci dépend elle-même de notre perception de la situation, en particulier de nos prismes personnels de perception.
Pour résumer, il existe 5 principaux prismes de perception : l’accusateur, le moralisateur, l’inquiet, le défaitiste, et le jeanfoutiste.
- L’accusateur a tendance à blâmer tout le monde, y compris lui-même, parfois en exagérant et déformant la situation. Quand il est en colère contre lui-même, il éprouve un vif sentiment de culpabilité.
- Le moralisateur croit tout savoir mieux que les autres, et en particulier ce qui est juste. Il se sent souvent comme la victime d’une grande injustice, brimé, bouleversé, avec une envie de s’isoler et de critiquer.
- L’inquiet a peur de tout, en particulier de l’avenir et de sa situation. Cela l’empêche d’aller de l’avant, de prendre des initiatives, et cela peut se traduire par une mise en avant des autres à son détriment.
- Le défaitiste pense que tout est perdu d'avance, n’aime pas se mettre en avant, ne se sent pas à la hauteur et les autres lui semblent souvent meilleurs que lui. Il ressent souvent tristesse, honte, voire de la dépression.
- Enfin le jeanfoutiste se fiche de tout, et semble penser que tout ira forcément pour le mieux. Il se sent souvent désengagé, détaché du présent, et désintéressé par l’avenir.
La première clé de la résilience consiste à identifier nos prismes, ceux que nous adoptons le plus souvent. Puis à les questionner de façon objective : ai-je raison d’être si accusateur, inquiet, ou jeanfoutiste ? Ou si je regarde les faits dans les détails, n’ai-je pas tendance à exagérer la situation, voire à l’inventer, pour justifier mon attitude, devenue un travers systématique ?
Une autre clé consiste à remplacer ses prismes négatifs, par un nouveau prisme plus positif : le responsable, le sage, le confiant, l’optimiste, ou encore l’enthousiaste. Cela peut passer notamment par le fait d’observer les attitudes d’autres personnes qui incarnent ces comportements cibles, et de s’interroger en quoi nous serions attirés et gagnants à adopter ces nouvelles attitudes.
La résilience repose aussi sur le fait d’accepter les situations telles qu’elles sont, car on ne peut rien y faire. Cela suppose à la fois une capacité d’acceptation, et une capacité à donner un sens aux situations que nous vivons. D’aucun y verront le destin, la fatalité, ou encore une signification religieuse. Quelle que soit sa stratégie personnelle, le sens donné aux situations que l’on ne peut maîtriser constitue donc une autre clé de la résilience.
Enfin dernier facteur d’apprentissage, être entouré ou savoir s’entourer de personnes elles-mêmes résilientes, qui deviennent ainsi des « tuteurs de résilience », comme le dit Jacques Lecomte : les managers ou collègues au travail, les parents ou frères et sœurs, les amis, et même des personnalités que l’on ne connait pas.
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